Abolir la bourse?

8 avril 2012Claude Dostie Jr
Catégorie : Économie

Après la récente crise financière, l’occasion était belle pour l’Association pour la Taxation des Transactions Financières et pour l’Action Citoyenne (ATTAC) de réunir des experts sur la « mondialisation financière » pour réfléchir à l’impact des marchés financiers sur nos vies. Depuis la crise de 2007-2008 et même depuis les années 90 avec ses nombreuses crises monétaires, il est devenu clair que les marchés financiers peuvent aisément déraper, entraînant fréquemment dans leur sillage, toute l’économie dite réelle.

Le crise a amorcé ou plutôt propulsé une réflexion déjà entamée par des économistes sceptiques au sujet de la règlementation des marchés et du contrôle des bulles spéculatives. Dans plusieurs pays, on a commencé à revoir la règlementation des marchés de certains produits dérivés. Le comité de Bâle, chargé de penser et appliquer un modèle bancaire plus sûr, a haussé ses standards, même si ceux-ci sont largement considérés insuffisants.

Certains économistes travaillent aussi à tenter de détecter plus tôt les bulles financières. Dans certains quartiers, on s’interroge sur une modification du rôle des banques centrales. Plutôt que de simplement combattre l’inflation, ne devraient-elles pas aussi s’attarder à contrôler une explosion de prix sur certains marchés, comme celui de l’immobilier?

Bref, la « réparation » du système financier est une entreprise semée d’embûches, mais elle représente tout de même un défi nécessaire. Même s’ils peuvent causer des dégâts parfois, les marchés financiers permettent aussi une allocation des ressources d’une manière plus efficace. Sans le signal des prix, comment pourrions-nous savoir ce que vaut approximativement un titre boursier ou encore une obligation du gouvernement? Et si ce ne sont pas les marchés financiers qui nous donnent ce signal, qui le fera? Le gouvernement? Celui-là même qui ne peut évaluer correctement le prix d’une autoroute?

Même si l’heure devrait être à une réflexion sur la manière de canaliser le potentiel de l’industrie financière, la plupart des collaborateurs de ce collectif d’auteurs rassemblés par ATTAC-Québec ne cherchent pas de solutions au problème actuel, mais plutôt des coupables.

C’est une lecture ennuyante que ce petit tract de marxistes non repentants. Le titre laissait présager le pire. Opposer la Bourse à la vie, n’est-ce pas un peu démagogique et simpliste? Le sous-titre, Dérive et excroissance des marchés financiers, laisse aussi songeur. Le langage utilisé tout au long du bouquin fait souvent référence à une quelconque pathologie, comme si les boursicoteurs étaient les seuls dans ce monde à parfois faire preuve d’irrationalité ou même de malhonnêteté.

Selon certains collaborateurs, la solution est simple : la Bourse est une verrue et il faut la brûler à l’azote. Pour revenir à quoi? Bah! Sais pas trop! Un système socialiste? Bah sais pas trop.

Les auteurs y vont d’affirmations qui laissent songeur. Ce qui semble clair pour tous cependant, c’est que les opérateurs sur les marchés financiers sont tous des gens de peu d’éthique qui ne méritent pas l’argent qu’ils gagneraient par ailleurs très facilement. Parce qu’il serait aisé, selon ces professeurs d’université, de faire de l’argent en bourse. Jacques Gélinas, un sociologue affirme : « La monnaie étant devenue une simple marchandise, le marché des changes s’est révélé un outil fabuleux de spéculation et d’enrichissement facile. » C’est probablement parce que M. Gélinas est d’une rectitude sans tache qu’il n’a pas encore fait une fortune « facile » en jouant ses RÉER sur le marché des changes. Le fait est qu’il n’est pas facile de faire fortune à la bourse. Point.

Par ailleurs, le discours d’une bonne quantité de contributeurs de cet ouvrage est franchement moralisateur. Tous les cambistes seraient l’équivalent de Shylock immoraux, membre d’un club corrompu et sale.

Le livre a d’autres problèmes. Certaines affirmations sont faites sans qu’on se donne la peine de citer des sources. Les chiffres sur la financiarisation de l’économie tombent du ciel. Plusieurs affirmations ne sont pas appuyées par des citations : une chose étonnante pour un livre d’universitaires promu par une organisation qui prétend oeuvrer dans le domaine de l’éducation populaire.

Par exemple, la part de l’économie manufacturière aurait, selon un contributeur, été réduite à une peau de chagrin comparativement à l’industrie financière. Pas de sources évidemment. Aucun chiffre. Pourtant, ce que les vrais spécialistes nous en disent, c’est que, en effet, la financiarisation de l’économie (américaine) est un phénomène réel. La part du PIB attribuée au secteur financier est passée de 2,5 % en 1947 à 4,4 % en 1977. En 2005, elle représentait 7,7 % du PIB. C’est une hausse significative, mais il n’y a pas de quoi aller relire le Capital!

Bref, le truc semble avoir été fait très vite, dans un but un peu flou. Si l’ouvrage représente l’aboutissement actuel de la réflexion chez ATTAC-Québec, il ne devrait rassurer personne sur la capacité d’un tel groupe à vraiment proposer une réforme, par ailleurs nécessaire, d’un système financier déficient, mais utile.


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