Adieux et aux autres

8 avril 2012David Goudreault
Catégorie : Culture

« J’ai bâti de si beaux châteaux que les ruines m’en suffiraient. » (Jules Renard)

La poésie, le slam…

Le slam de poésie, c’est un mouvement qui était bien vivant avant que nous y joignions notre souffle et qui, espérons-le, le sera toujours lorsque nos poumons s’affaisseront. Entretemps, comme plusieurs autres scribouilleurs, révolutionnaires et autres gueuleurs à tous vents, j’y joins ma voix et tente de transmettre ma passion pour ces façons d’offrir une performance, de clamer ses poèmes et de vivre une démocratie directe et participative qu’est le slam de poésie! Tatatata!

Mais ce n’est qu’un jeu!

Le plus cruel, le plus enivrant et exigeant de tous les jeux mais quand même qu’un jeu. Pire, c’est un prétexte qui ne vise qu’à offrir un bon spectacle à un public plus ou moins néophyte et, souvent, plus que moins critique. J’en profite pour saluer le courage ou l’inconscience de tous les poètes ayant osé se prêter au jeu.

Personnellement, je m’y investis depuis plus de trois trop courtes années. J’y ai mis suffisamment d’heures et de sueur pour ravir la première place à trois finales régionales, à un Grand Slam provincial en équipe, puis en individuel, à un Slamboree et, récemment, à la Coupe du Monde de Slam de Poésie.

Mais les meilleurs poètes ne gagnent jamais! Et la beauté est à l’intérieur.

Ces performances dans des événements tagués « slam » m’ont mené à des opportunités d’animation de soirées et d’ateliers de création, d’organisation de cabarets littéraires, de production d’albums et de rencontres humaines qui ont embelli et donné du sens à ma vie. C’est en prenant ma place sur scène et dans les coulisses mais surtout en écoutant mes comparses que j’ai affûté ma sensibilité, vécu mes plus belles peurs, mes plus francs éclats de rire et même, à l’occasion, quelques bonnes excitations. Le slam de poésie a surpassé les G.I. Joe dans l’échelle de mes plus grandes passions. Alors…

Je ne slamerai plus.

Voilà, c’est dit et écrit.

Je ne me suis pas remis à la consommation de drogues et suis pleinement conscient du paradoxe mis de l’avant lorsque je souligne l’importance du slam de poésie dans mon existence puis annonce que je m’en priverai. Je persiste, m’explique et signerai.

Gagner la Coupe du Monde de Slam de Poésie le 5 juin dernier était l’objectif ultime que je m’étais fixé, l’inaccessible étoile, une finalité en soi. Durant la semaine précédant la finale, j’ai écouté et côtoyé des géants de la poésie et de la performance, j’ai baigné à chaque jour dans tout ce que le slam a de meilleur à offrir. En plus des seize poètes internationaux, des soixante-quatre poètes français et des dizaines d’enfants ayant foulé les planches des diverses salles de spectacle, j’ai rencontré une pléiade de passionnés du slam de poésie. J’ai pu consommer une poésie psychoactive pure et saine. C’était aussi enivrant que de poser la dernière brique de la tour de Babel baigné d’un puissant gospel collectif entonné en espéranto.

Je ne sais si j’aurai l’occasion de vivre d’autres communions de ce genre dans ma vie, mais je me sens privilégié d’avoir vécu une telle expérience et désire sincèrement que d’autres poètes aient l’occasion d’y goûter. Nous ne conservons ce que nous avons qu’en le partageant.

Ce n’est pas par prétention ou par crainte de ne plus rencontrer de succès que je prends ma retraite de la facette compétitive de cette poésie performée mais pour conserver le meilleur souvenir de ce grand amour, par souci de ne pas entraver un mouvement qui doit se nourrir de sang neuf ainsi que par désir de me consacrer plus assidûment à des projets artistiques professionnels.

Je continuerai d’assister aux soirées de slam et de m’impliquer dans l’organisation d’événements, dans l’animation de compétitions et d’ateliers dans les écoles, mais me consacrerai surtout à mes propres spectacles de poésie performée et à la création d’un recueil de poèmes qui devrait atterrir dans vos quenottes dans l’année à venir.

Je déborde de grasse gratitude envers tous ceux et celles qui ont cru en moi, qui m’ont supporté durant toutes ces années et qui ont joué et jouent le jeu honnêtement.

Le slameur est mort, vive le slam!


Partager cet article
Commentaires