Les universités québécoises : Entre déclin et survie

8 avril 2012Geoffroy Bruneau
Catégorie : Société

En cette rentrée scolaire automnale, c’est le retour des luttes politiques des organisations syndicales et étudiantes pour la préservation de ce qu’il « reste » de nos universités. C’est le retour aussi des refrains gouvernementaux et de leurs comparses des chambres de commerce prêchant la rationalisation des dépenses, la hausse des frais, le gel des salaires et, bien sûr, la vente à rabais de nos institutions.

Le mouvement étudiant

Le rendez-vous de l’automne pour le mouvement étudiant sera, selon toute vraisemblance, le fameux sommet des « partenaires » de l’éducation, annoncé par le Ministre des Finances, Raymond Bachand, lors du dernier budget. Déjà qualifié de « sommet du dégel » par le mouvement étudiant (et avec raison!), cet exercice de relations publiques servira ni plus ni moins qu’à « mettre la table » pour une hausse supplémentaire des frais de scolarité après 2012 (les frais ayant déjà été augmentés depuis 2007 de l’ordre de 500 $ par année). L’objectif avoué et décidé en haut lieu par le « frisé de Sherbrooke » et sa gang de mopettes est le suivant : faire du modèle de financement québécois un modèle normal, c’est-à-dire à la Canadian avec des frais trois fois plus élevés et une éducation accessible à la minorité la plus favorisée. L’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) qui regroupe 42 000 membres provenant surtout des Cégeps s’est déjà promis « d’interrompre » le sommet et d’organiser un contre-sommet en guise de protestation face au discours gouvernemental. Du côté de la FEUQ/FECQ et de la TACEQ on peut s’attendre à ce que ces organisations participent à l’exercice, question de profiter de la visibilité médiatique d’un tel événement. Par contre, on peut certainement s’attendre à une mise en scène bien réglée de claquage de portes, question de démontrer à leurs membres respectifs qu’ils ont l’intention de rester fermes sur leurs positions.

Mais quelles sont ces positions? Difficile à dire, du moins à l’exception de l’ASSÉ qui, sans ambiguïté aucune, s’affiche en faveur de la gratuité scolaire, car la TACEQ et la FEUQ naviguent en eaux troubles et cherchent désespérément une position qui fera consensus parmi leurs membres et qui, surtout, aura un effet mobilisateur. Rien de très simple avec la diversité des disciplines que l’on retrouve sur les campus universitaires. Malgré que tous et toutes s’expriment en faveur de la vertu, à savoir le principe d’accessibilité, les chantres de la compétitivité et de la privatisation ne cessent de répéter le mensonge éhonté suivant : « La hausse des frais n’a aucun effet sur la fréquentation scolaire». Au fond, cela me rassure et à force d’entendre les éditorialistes de La Presse, La Tribune et les scabs de l’Agence QMI nous le répéter, je vais bien finir par y croire!

Dans la réalité, le portrait organisationnel du mouvement étudiant n’est pas bien rose. La FEUQ est en pleine saignée. Elle a perdu près de 75 000 membres depuis 2005 et on est en droit de se demander quand et où va s’arrêter cette hémorragie. Ces étudiants sans affiliation nationale se regroupent de plus en plus au sein d’une nouvelle organisation : la Table de concertation étudiante du Québec (TACEQ) dont les membres proviennent de l’Université McGill (premier cycle), l’Université Laval et l’Université de Sherbrooke (maîtrise et doctorat). La TACEQ est toute jeune et elle commence à peine à se doter d’un plan d’action et à amorcer une réflexion sur ses positions en matière de financement des universités. Du côté de l’ASSÉ, il y a peu de mouvements : l’organisation étudiante conserve sensiblement ses effectifs et ses revendications. Reste à voir si, comme par le passé, elle sera en mesure de jouer le rôle d’allumeur dans la mobilisation étudiante québécoise.

Le mouvement syndical

L’affrontement pressenti dans les négociations du secteur public n’aura finalement pas lieu. Les trois centrales syndicales en sont arrivées à une entente de principe tant sur la rémunération que les clauses normatives.

Ce qui est à surveiller c’est bien davantage ce qui se dessine à l’Université de Sherbrooke, car trois syndicats renégocient leurs conventions collectives : les employés de soutien (SEESUS), les professeurs (SPPUS) et les professionnels (APPAPUS). De ces trois négociations, celle du SEESUS pourrait causer des petites surprises à la direction de l’Université. La fusion récente des deux unités d’accréditation (unité régulière et recherche) est le principal enjeu de la négociation. Étant donné que les employés de la recherche font maintenant partie intégrante de l’unité régulière (ce qui a été imposé par la Commission des relations de travail et ce, malgré l’opposition de l’Université) ces derniers demandent des avantages sociaux comparables. Malgré que les administrations universitaires et les gouvernements font l’éloge sur toutes les tribunes de l’importance de la recherche universitaire, lorsque vient le temps d’octroyer des conditions de travail convenables, cela n’est pas toujours aussi facile, et cela, sans compter que leurs contrats de travail sont échus depuis deux ans…

Mentionnons enfin qu’à l’UdeS, les professeurs sont également en négociations. Rappelons que la dernière « négociation », sous le régime de Bruno-Marie Béchard, s’était conclue de manière brutale par une menace directe de lock-out à l’endroit des professeurs qui, à l’époque, avaient fait le choix de se plier aux conditions de l’Université. Reste à voir si l’ambiance malsaine de la dernière négociation sera encore présente avec la nouvelle administration universitaire.


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