Notre chien de garde québécois

8 avril 2012Francis Poulin
Catégorie : Médias

Plusieurs personnes nous demandent souvent s’il existe un contrepouvoir aux médias. Une façon pour les citoyens et citoyennes de pouvoir se défendre face à ces entreprises de l’information. Notre collectif a toujours cru bon de rappeler que c’est avant tout le développement de l’esprit critique qui nous permet de nous auto-défendre face aux médias d’information. Cependant, il arrive que l’on ait besoin d’aide.

Le Conseil de Presse du Québec (CPQ) a été fondé en partie pour défendre le droit du public à une information de qualité. Faut-il le rappeler, les médias québécois et canadiens sont tenus légalement de suivre un code de déontologie qui normalement nous assure d’une information de qualité, vérifiée et objective. Il se définit lui-même comme étant «un tribunal d’honneur de la presse québécoise tant écrite qu’électronique», à comprendre ici tous les médias au Québec. Chaque année, le CPQ traite des centaines de plaintes qui viennent du public, de journalistes et de personnalités publiques. C’est notre chien de garde quand notre esprit critique se repose (ou parfois dort au gaz), mais est-ce réellement le meilleur ami du citoyen ?

D’abord, notre bon protecteur du citoyen a eu la vie dure dans les dernières années, alors nous n’étions pas sûrs de son état de santé. Quebecor, ce fleuron québécois qui est allergique à toute intervention contre son entreprise lui a raccourci la laisse en 2010. Il a claqué la porte du CPQ, amenant ses journaux et TVA avec lui, affirmant que suite à une « insatisfaction accumulée » décriant les décisions du tribunal d’honneur en regard de « leur caractère arbitraire et leur absence de rigueur, sans compter une appréciation biaisée des faits […] ayant comme effet de restreindre la liberté de presse ». L’acte de divorce ayant été constaté, le Conseil se voyait aussi perdre l’une des premières sources de financement de son organisation, car ce sont les entreprises de presse qui financent en bonne partie l’organisme.

L’État québécois semble avoir décidé de soutenir adéquatement le vide que Quebecor avait généré dans leur budget. Le chien de garde a donc sauvé sa niche. Puis, il s’est aussi trouvé un caractère de doberman en convainquant Me John Gomery, le juge qui a enquêté sur le scandale des commandites, de devenir président de l’organisation. C’est donc avec une certaine assurance que le CPQ a su traverser une année mouvementée, augmentant de 28 % le nombre de plaintes traitées. Sur celles-ci, « 58 % ont été retenus en tout ou en partie », selon leur propre bilan 2011, ce qui représente 45 plaintes, soit 19 % de plus qu’en 2007-2008. Près de la moitié des plaintes concernait la qualité de l’information, loin devant la discrimination, le droit de réplique, le mélange des genres (pub vs information) ou le conflit d’intérêts. Est-ce que cela veut dire que nos médias ne sont pas de qualité ? Pas nécessairement, mais la montée du sensationnalisme et de la partialité semble claire.

La question reste tout de même, malgré la remontée du CPQ, le chien a-t-il assez de mordant pour arriver à convaincre les citoyens de réapprivoiser ses journalistes ? Sur l’ensemble des plaintes retenues ou partiellement retenues, Quebecor représentait 85 % des refus de collaborer, c’est-à-dire, de faire mea culpa et de diffuser dans ses médias ses erreurs et errements en matière de journalisme. Ce qui équivaut à demander au Colonel Sanders de nous dire la recette de la sauce Kentucky quand tout le monde sait que ce sont des restants de friture. Quebecor ne semble pas vouloir montrer patte blanche, au contraire, puisqu’il a promis de poursuivre le CPQ s’il continuait de tenter de le blâmer via ce tribunal d’honneur. Pier-Karl Péladeau sait très bien que la meilleure défensive, c’est parfois l’offensive. Notre chien de garde saura-t-il apprendre de la main qui l’a longtemps nourri ?


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