Ouvre, lis, apprécie : Autour de mange, prie, aime d’Elizabeth Gilbert

8 avril 2012Loïque Scali
Catégories : Culture , Littérature

Je suis toujours sceptique devant les livres qui traitent de changements de vie radicaux, notamment lorsqu’ils prêchent l’idée qu’il est héroïque et souhaitable de tout laisser derrière soi pour accéder au bonheur. Je suis d’autant plus sceptique lorsque ces ouvrages font l’objet d’un engouement collectif.

Les voyageurs, ceux qui osent s’aventurer à l’extérieur de l’Occident, sont facilement adulés. On les trouve courageux et on se dit qu’ils ont dû en apprendre des choses à force de découvrir le monde et de braver les imprévus. Or, il y a une grande ironie dans le fait de voyager au sein de sociétés plus collectivistes que la nôtre. Des sociétés où la famille et le clan l’emportent sur tout, alors que rien n’est plus égoïste que de partir, quitter, voyager à la manière occidentale des générations X et Y. Si on retenait quoi que ce soit de nos voyages en Afrique, en Asie, ou même en Amérique du Sud, on cesserait de voyager et on resterait à la maison pour s’occuper de la famille.

C’est dans cet état d’esprit que j’ai ouvert le best-seller Mange, prie, aime, prête à pointer du doigt la moindre incohérence anthropologique. Ce récit autobiographique relate la quête spirituelle de l’écrivaine Elizabeth Gilbert qui a jadis vécu son rêve américain comme un cauchemar. Un jour, elle décide de divorcer et de partir en voyage pour une année complète. En Italie, elle apprend le plaisir par la simple gourmandise. En Inde, elle acquiert une discipline spirituelle et vit quelques expériences mystiques. En Indonésie, elle retrouve l’équilibre et découvre l’amour, version saine.

L’incohérence redoutée ne se présente pas car l’année que passe l’auteur à l’étranger n’est pas une simple fuite pour se soustraire à la pression et aux exigences d’autrui, ou encore un pied de nez à la méchante société. C’est un combat mené de tous fronts contre la dépendance affective qui sommeille en elle. Elle ne quitte pas pour prouver aux autres qu’elle n’a pas besoin d’eux, mais parce qu’elle a trop besoin d’eux. Elle n’apprend pas la liberté vis-à-vis des autres mais vis-à-vis d’elle-même.

Difficile de critiquer une confession aussi sincère. Le récit est personnel et à aucun moment ne tente de convaincre de quoi que ce soit. Gilbert démontre même par plusieurs exemples que ce qui a été salvateur pour elle ne serait pas pertinent pour tous.

En somme, il est toujours agréable de tomber sur un best-seller intelligent et authentique, qui de surcroît rappelle que le voyage, aussi égoïste soit-il, peut être constructif.


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