Une Saint-Valentin métal (Monogame en série, épisode 1)

3 février 2014Evelyne Papillon

Je m’étais juré de délaisser les sites de rencontre, mais avec la Saint-Valentin, je ressentais le besoin de chasser. J’aime la Saint-Valentin. Lancez-moi la première pierre si vous n’aimez pas les fleurs, le chocolat ou les soupers avec des fruits de mer aphrodisiaques.

Je n’y peux rien, j’aime célébrer l’amour et dash ou la sexualité. Je n’ai pas besoin d’être avec l’homme de ma vie, mais j’ai horreur de ne rien faire cette journée-là. Je suis déjà allée chez un ex-amant avec des sushis et de bons films pour que nous ne passions pas cette fête à déprimer sur nos amours pathétiques. Des fois, ça ne me prend pas grand-chose, simplement que je suppose que je ne sois pas seule pendant que d’autres se payent la traite.

Je sais que cette fête fait chier bien des gens, et même ceux qui s’aiment vraiment. Parce qu’ils se sentent obligés, parce que l’amour ne se commande pas (tout comme la bandaison d’après Brassens). Parce que « madame rêve d’archipels, de vagues perpétuelles, sismiques et sensuelles », d’après Alain Bashung. On tombe dans la performance et ça devient laid. L’amour est loin de tout ça. On est dans une espèce d’idéal passionnel qui se voit forcé, déformé et n’a plus rien à voir avec l’élan spontané du cœur, avec le désir brut et imprévisible du corps.

Sur le site, il y a des tas de poissons prêts à mordre à mes appâts. Plus je mets une photo sexy, plus il y en a. C’est louche et triste. Mais pas autant qu’une fille seule et déçue. Ah, je n’aurais qu’à passer la Saint-Valentin avec une amie, pourquoi me donner tout ce mal ? À l’adolescence, nous faisions ça, se réunir, s’offrir une fleur, un chocolat, se faire des massages. C’était simple et agréable.

Ça tient du masochisme, parfois, l’idée d’être avec quelqu’un absolument. Et c’est un grand mot, « être avec quelqu’un ». Au Scrabble, sur le compte triple, tu peux scorer avec ça. Non, en fait, mathématiquement parlant, c’est que mon idéal est inversement proportionnel au genre de gars qui a un intérêt pour moi.

Mais ça va changer, il n’en tient qu’à moi de sortir de mes patterns poussiéreux et d’adopter une attitude positive. Ouin, je vais rencontrer Monsieur Parfait et ensuite écrire un livre de psycho pop genre « Le secret pour trouver Monsieur Parfait, délestez-vous de vos patterns et de 30  $ du même coup ».

Sérieusement, il y a un gars que j’ai remarqué, Estéban, et on se rencontrera ce soir. C’est un musicien. Ça me joue dans les ovaires rien que de l’imaginer à la guitare. Enfin, quelqu’un de créatif ! Je sens qu’on aura plein de sujets desquels discuter. En plus, il est végétarien, donc c’est quelqu’un qui a bien conscience des enjeux touchant à la planète. Puis je dois l’avouer, il est beau bonhomme. Les cheveux mi-longs, blonds, les yeux malicieux, mince, mais pas maigre, musclé, mais pas à la Schwarzenegger. On va au Café Utopia, ça sonne bien, non ? Refaisons le monde, mon chéri. Aimons-nous éco-responsablement.

Il arrive en retard. C’est souvent le propre des gens créatifs, je ne lui en veux pas. « Excuse-moi, j’avais une répète avec mon groupe et ça s’est étiré un peu. » C’est vrai que les musiciens sont très occupés, je n’y avais pas pensé. Je serai peut-être une veuve de répètes si notre lien devient plus sérieux. « Pas de problème », dis-je. « Au fait, quel genre de musique fais-tu ? » Estéban est tout heureux de m’annoncer qu’il fait du heavy métal. J’ai les ovaires qui se rétractent un peu. Du Mononc Serge, de temps à autre, passe encore, mais du heavy métal au quotidien ? Il vient de faire planter mon système.
C’est le moment idéal pour changer de sujet. « Tu es végétarien depuis quand, donc ? » « Ça fait deux mois, mais c’est comme si je l’avais été toute ma vie, j’ai trouvé ça facile. Je me sens mieux et plus en accord avec mes valeurs. » Je ne sais trop quoi lui répondre. Ça sonne un peu prétentieux. Tout à coup, je me sens mal de ne pas être végétarienne aussi. Mais ça se dissipe lorsqu’il me lance : « Je vais aller en fumer une, tu m’attends ici ? » J’acquiesce et me dis que je n’ai pas ce vice-là, au moins.

Fumer n’est pas un geste particulièrement bon pour la planète. N’empêche, la Cendrillon en moi se fout pas mal de l’haleine de cendrier de son prétendant et le trouve encore attirant. Suffit la quête de l’homme parfait, des fois un peu de heavy métal sous la ceinture, quelques bouchées de végétarien biologique, ça peut faire passer une belle Saint-Valentin. Yolo.


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