Politik Kills (Monogame en série, épisode 3)

23 avril 2014Evelyne Papillon

Un soir où j’étais partie avec un nouveau mec intéressant au salon de thé, une chanson de Manu Chao s’est mise à jouer : Politik Kills. J’ai dit que c’était bien vrai, la politique me tuait !

Martin ne l’entendait pas de cette façon. D’après lui, sans la démocratie, je ne serais pas grand-chose. Il affirmait qu’on est vraiment chanceux comparativement à d’autres pays et que même si j’étais une femme, je pouvais voter car d’autres avaient mené de grandes batailles. Il était curieux de savoir pour qui j’avais voté.

—Bien… je ne me suis pas tellement tenue au courant.

—Dans ce cas, c’est presque plus responsable de s’abstenir. Mais cette attitude m’échappe. Ce n’est pas si dur de se tenir au courant, il y a les journaux, Internet, la télé.

—Oui, mais l’intérêt n’y était pas. J’ai toujours l’impression d’une guéguerre niaiseuse et je souffre de déficit de l’attention aigu devant un tel spectacle.

—Sauf que ces gens vont décider de notre avenir, ça vaut la peine de les avoir à l’œil.

—Je n’ai rien contre signer des pétitions ou manifester. Je participe d’une autre façon, dans des causes précises qui me tiennent à cœur, tu comprends ?

—Je trouve que ce n’est pas un comportement adulte de laisser les autres décider pour toi.

J’étais piquée, il me semblait qu’il y avait de la place pour différentes formes d’implication et que je n’étais pas la fille la plus inconsciente que je connaisse.

Martin m’a dit que je devais être du genre à voter Vert ou Solidaire. « Des partis d’indécis, de ceux qui ne veulent pas faire un vrai choix. » Un tel mépris me hérisse le poil sur les bras. Il enchaîne avec une question-piège. « Est-ce que tu aimerais que le Québec se sépare ? » En ce moment, j’aimerais surtout qu’il baisse le ton, car il me semble que tout le monde nous entend. Moi qui pensais avoir rencontré un gars avec une belle conscience sociale, je réalise qu’il est plutôt borné.

—Je pense que j’aimerais ça, mais je dis ça sans savoir les conséquences réelles que ça aurait. Moi, c’est surtout pour que notre culture et notre langue soient respectées et reconnues.

—Okay, pis l’économie, c’est pas important pour toi ?

—Regarde, je viens de te dire que je ne sais pas tout ce que ça implique, pars pas sur tes grands cheveux.

—On dit chevaux !

Je le sais bien… foutue nervosité. Ce gars me fait sentir de plus en plus inconfortable. Moi qui voulais avoir de belles discussions, je me retrouve à m’obstiner sur l’avenir de la province sans aucun plaisir.

—T’en fais pas, c’est ça notre génération. Une bande d’ignorants qui se prend pas en main. Ça aime mieux faire le party. Ça étudie super longtemps, pis c’est pas capable de se forger une opinion aux quatre ans.

Bon, là c’est trop. Moi, le discours sur les jeunes, pis dit par un jeune en plus… Faut-il être blasé rien qu’un peu ? « J’vais y aller, j’dois rentrer tôt. »

« J’ai aimé ça jaser avec toi, t’es différente des autres. Y en a qui pognent les nerfs quand on parle de politique. » Crapet ! Je déteste ce genre de personnalité qui enterre les autres et ne s’en rend même pas compte. J’étais vraiment fâchée et il ne s’en est même pas aperçu.

Qu’est-ce qui se passe dans ma tête pour que je me lie à des gens comme ça ? Au départ, j’aimais sa belle assurance et là, elle me donne envie de vomir. C’était l’ami d’autres amis, donc j’ai cru que par association, il devait être quelqu’un de bien. Comme quand on vote pour un parti malgré qu’on ne tripe pas sur le candidat de notre coin. Je ne suis pas si nulle en politique finalement.

Une personne avec des convictions, c’est beau, mais une personne qui démolit les points de vue des autres, ça n’a rien de sexy. C’est facile d’être attiré par des fonceurs, des grandes gueules, c’est eux qu’on voit en premier. Il y a des gars super, qu’on ne remarque pas tout de suite, mais qui sont respectueux et à l’écoute. Je ne dois pas regarder dans les bonnes talles comme dirait ma meilleure amie. Mais bordel que j’essaie. À force de rencontrer toutes sortes de gens, j’apprendrai à reconnaître les personnes néfastes, je les sentirai à des milles à la ronde. Une chose est sûre, en amour comme en politique, je ne veux pas voter pour le moins pire, je veux choisir le meilleur.


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