Olé-Oléoducs !

21 juillet 2014Laurence Williams
Catégorie : Environnement

Du 10 mai au 14 juin 2014, une quarantaine de citoyen·ne·s préoccupés par les projets d’oléoducs de TransCanada et d’Enbridge ont marché 700 km entre Cacouna et Kanesatake. Cette marche citoyenne témoigne du début de la mobilisation québécoise contre le passage d’oléoducs sur nos terres et dans notre fleuve St-Laurent, en s’opposant officiellement à l’expansion des sables bitumeux de l’Alberta.

Ces sables bitumineux: on nous rit ONÉ!

Dans ce contexte sociopolitique qui nous mène droit au gouffre, il est de notre devoir de citoyens de s’opposer à ce qui nous parait insensé. En effet, les sables bitumineux d’Alberta représentent le pétrole «le plus sale au monde» de par la complexité des méthodes d’extraction, par la quantité d’eau nécessaire pour le raffiner, par la contamination extrême des rivières (notons le cas de la rivière Athabaska), par le trafic de camions lourds et par les forêts rasées pour y arriver. Les coûts sociaux sont aussi nombreux et monstrueux: les compagnies minières et gazières s’approprient entre autres les terres sacrées des Premières Nations pour leur laisser en retour de graves problèmes de santé liés à la toxicité de leur milieu de vie.

Les volontés du gouvernement conservateur vont inlassablement dans la direction de l’expansion de ces sables bitumineux, en donnant le feu vert à des compagnies privées qui pollueront terres, montagnes et fleuves. Présentement, trois projets irresponsables et dangereux d’oléoducs attaquent le Canada d’un océan à l’autre: The Northern Gateway, approuvé le 18 juin 2014 pour le transport de 525000 barils de pétrole par jour; la Ligne 9b d’Enbridge, approuvée le 6 mars 2014 pour le transport quotidien de 240000 barils ainsi qu’Énergie-Est de Transcanada, dont l’approbation est imminente pour 1,1 million de barils supplémentaires. Il est important de noter l’aspect non démocratique de ce dernier projet: celui-ci n’a pas encore été officiellement approuvé par l’Office national de l’énergie (ONÉ), dont la légitimité est à remettre en doute puisque les membres ne sont pas élus par la population. Bref, on nous rit ONÉ (au nez) !

Avec le projet Énergie-Est de TransCanada, le trafic maritime du port de Cacouna (petit village pittoresque du bas Saint-Laurent) passera des kayaks aux imposants pétroliers, perturbant sur son passage de nombreux écosystèmes. En effet, les eaux de la région de Cacouna sont reconnues pour la présence d’une «pompe à nutriments», phénomène possible grâce à la rencontre de plusieurs courants d’eaux douces et d’eaux salées. C’est en ce lieu précis que reviennent chaque année pour mettre bas les quelque 800 bélougas restant au Québec. Selon le spécialiste québécois des bélugas Pierre Béland, se lancer dans ce projet revient à exterminer les cétacés, dont la population vivant dans le Saint-Laurent a déjà baissé de façon draconienne ces quatre dernières années.

La Marche des peuples pour la Terre Mère, une réaction citoyenne sans précédent !

En réponse à ces projets qu’on peut sans hésitation qualifier de désastre écologique, un groupe de citoyens s’est rassemblé pour faire entendre la voix des nombreux mécontents. Marchant 34 jours entre Cacouna (lieu choisi par TransCanada pour forer et y installer le port pétrolier) et Kanesatake (territoire mohawk), les marcheurs ont traversé 32 communautés et les ont sensibilisées à la cause sur leur passage.

En effet, l’objectif de cette marche était de créer un solide réseau entre les groupes environnementalistes locaux afin que la mobilisation naisse partout au Québec. Le simple fait de prendre le temps de marcher pour cette cause a donné l’opportunité à de nombreux militants d’échanger contacts et idées pour poursuivre la lutte, ce pourquoi on peut qualifier la marche «d’une stratégie et non d’une finalité». La créativité et l’art étaient au rendez-vous: des soirées cabaret Olé-Oléoducs étaient organisées dans les communautés hôtes, afin que les citoyens puissent interagir et discuter de leurs préoccupations par l’entremise du théâtre-forum, de projections documentaires et de discussions ouvertes. Un porte-à-porte a aussi été fait tout le long de la route empruntée ainsi que dans les villages, afin de sensibiliser un maximum de citoyens, de propriétaires terriens et d’agriculteurs. À notre grande surprise, plusieurs propriétaires dont la terre allait accueillir l’oléoduc n’était aucunement au courant des impacts négatifs qu’entraineront l’infrastructure, les représentants de Transcanada n’ayant visiblement pas cru pertinent de les en informer.

Il est important d’ajouter que, durant toute la marche, nos pensées étaient aussi tournées vers les Premières Nations ainsi que les groupes militants de la Colombie-Britannique et des États-Unis qui se battent également contre les oléoducs en ce moment-même, se faisant arrêter en masses devant la Maison Blanche et sur les routes menant aux chantiers.

La marche n’était affiliée à aucun parti politique ou groupe environnemental, et distribuait des dépliants de la campagne indépendante Coule pas chez nous, autre initiative citoyenne s’opposant aux hydrocarbures au Québec. Grâce aux discussions que nous avons eues avec certains élus, maires et députés, plusieurs municipalités ont signé une déclaration officielle s’opposant au projet Énergie-Est de Transcanada, comme St-André-de-Kamouraska, l’Islet, St-Augustin, Lanoraie et Saint-Sulpice.

L’auteure étudie en environnement et est Marcheuse avec les Peuples pour la Terre Mère.


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