Le bilan (Monogame en série, épisode 8)

12 janvier 2015Evelyne Papillon

Le début d’une nouvelle année a toujours été un temps de bilan pour moi. Je me repasse en boucle tous ces échecs sentimentaux, mais aussi tous les bons moments vécus. Il y a tant de plaisir à désirer, à ne pas savoir dans quoi on s’embarque, à espérer. Puis viennent les réalités, les incompatibilités, les systèmes de valeurs qui se confrontent. Comme il est facile de s’enthousiasmer! Comme il est facile de se planter…

Alors cette année, j’ai eu une folle idée. Après avoir essayé sans relâche de nouer des liens intimes, je prends une pause. Je suis curieuse de voir de quoi a l’air la vie quand l’amour n’en est pas le centre, de quoi ont l’air les rapports humains quand la séduction est mise de côté. L’amitié n’est pas un sentiment moindre, mais différent.

Le passage à l’acte est certes électrisant, mais il comporte toujours un lendemain qui ne chante pas nécessairement. Non pas que mes aventures aient été ennuyeuses. Je ne regrette rien de rien, comme dirait l’autre. Mais la vie ne devrait pas être une perpétuelle course à l’homme. Je suis essoufflée. J’ai besoin de m’abreuver à d’autres ambitions.

C’est un défi amusant que je me donne de rester célibataire. Et puis ce n’est que pour un an. L’amour n’en sera que plus intéressant et plus vrai après que j’aie jeûné suffisamment. Bien sûr que j’ai la trouille. Se prendre en main n’a rien de facile. Mais se choisir, décider d’être maître de sa vie, ça a quelque chose de grisant.

Bon, il me faudra des loisirs de qualité, des amis compréhensifs et toute une discipline pour ne pas craquer au premier gars gentil venu. Je me dis qu’après un an seule, je serai peut-être moins exigeante, je m’attarderai aux critères vraiment importants seulement. Peut-être aussi que je ne ressentirai même plus le besoin d’être en couple à tout prix, forte de mes nouvelles priorités.

Tous ces gens en couple sont peut-être heureux certes, mais leur carrière n’avance pas forcément aussi vite, leurs projets peuvent être mis de côté, les liens avec leurs amis peuvent s’étioler, peut-être ne prennent-ils pas le temps de faire du bénévolat, de s’impliquer dans des causes sociales…

Ça peut être foutument superficiel, la recherche de l’amour, finalement. Deux nombrils qui se rencontrent et s’auto-suffisent, comme c’est moche! Puis il y a cette petite voix qui me dit que parfois on force trop les choses. Que l’amour devrait arriver à point à qui sait attendre et mener une vie satisfaisante par lui-même. Cela peut prendre du temps parce que se bâtir une vie à la mesure de ce qu’on souhaite n’est pas une mince affaire.

La recherche de l’amour est une quête du bonheur, au fond, et celui-ci peut arriver de bien des voies différentes, pas forcément par quelqu’un qui vous tient la main ou vous donne des frissons. On ne peut tout de même pas s’incruster dans le quotidien de l’autre et espérer tout faire à sa manière. Ne soyons pas des sangsues affectives et continuons à cultiver nos propres projets.

Et puis, il y a plein de célibataires heureux, j’en suis sûre. Suffit de ne pas piger son échantillon dans ceux qui fréquentent les sites de rencontre… Quoique certains y trouvent leur compte, célibat ne veut pas forcément dire chasteté. Pour ma part, par contre, ça fera partie de mon nouveau mode de vie. Car lorsqu’on me touche, même si on précise clairement ses intentions, je m’imagine n’importe quoi. Ce sera donc plus simple d’éviter toute confusion en n’ayant comme partenaire que ma fidèle main. Parce que je continuerai tout de même d’être un humain, que dis-je, un animal qui se croit intelligent, pour la prochaine année.

Être seul ne devrait pas être vu comme un problème, un dossier à régler. Ce n’est pas non plus forcément un état transitoire, ça peut être un choix aussi valable qu’un autre. Au fond, quand je pense à ce que je voudrais quand je serai vieille, je me dis que les hommes meurent généralement avant les femmes, je m’imagine donc célibataire, assise dans une chaise berçante, sur un balcon, un chat sur les genoux et un livre dans la main. Me semble que la vie serait belle dans cette simplicité. Pourquoi attendre d’avoir 95 ans pour profiter de la vie en solo?


Partager cet article
Commentaires