Je sais donc j’agis

17 juin 2015Camille Gagnon

Et si je te disais qu’à partir de demain, tu n’as plus le droit à tes trois repas par jour? Oui, tu as le droit de pleurer. Mais dis-toi aussi que c’est le cas de 805 millions de personnes dans le monde. Ce qui est plutôt paradoxal quand on apprend de M. Rodolphe De Koninck, professeur au département de géographie de l’Université de Montréal, qu’actuellement «on produit […] assez pour nourrir 9 milliards et demi de personnes sur la planète. Nous sommes, aux dernières nouvelles, 7,2 milliards.»

Le problème n’est pas que l’on produit trop. La vraie raison se trouve dans la distribution et la consommation. Ce qui autrefois était un besoin fondamental qui nous rattachait à la terre a aujourd’hui pris une tournure différente. Effectivement, l’alimentation est devenue une marchandise, un produit de consommation. On veut seulement ce qui est beau, bon, frais, rapide, santé et en grande quantité. Mais à quel prix?

Il y a déjà les océans qui se vident peu à peu de leurs ressources, la demande de poissons ne cessant d’augmenter. C’est en partie dû aux techniques de pêche: les immenses filets déployés récoltent tout ce qui se trouve sur leur passage. De ce fait, ce sont 300 000 baleines, dauphins et marsouins qui s’y empêtrent et meurent. En conséquence, ce sont des pertes de 27 millions de tonnes de poissons qui sont jetés chaque année, faute d’avoir été tués par la pêche ou simplement gaspillés.

Puis, sur la terre ferme, ce sont des problèmes de déforestation et de pollution des sols, dont l’industrie alimentaire est à la souche. L’élevage intensif est la cause de 80% de la déforestation de la forêt amazonienne. Et pour nourrir tout ce bétail, il faut des terres agricoles, soit encore plus de forêts coupées à raz. C’est le soja, riche en protéines végétales, que préfèrent les éleveurs. Encore plus s’il est importé en grande quantité et à petit prix du Brésil. Et qui dit agriculture industrielle, dit pesticides. En effet, Monsanto, à la tête de cette grande industrie alimentaire, utilise abondamment un efficace désherbant communément appelé Round Up. Ce produit, à base de glyphosate, a été analysé comme «cancérogène probable» et semble être une cause d’autisme chez les enfants américains.

En revanche, les pesticides ne sont pas les seuls agents utilisés pour augmenter la vitesse de production. Les croisements génétiques sont de plus en plus populaires vu leur efficacité à accélérer le processus, afin de mieux répondre à la demande. C’est le cas de la pomme: les gens la veulent sucrée mais ferme, belle et se conservant longtemps. Comme la nature n’offre pas ce genre de fruit, l’industrie l’invente. Mais ces croisements répétés viennent diminuer la qualité nutritive des aliments. De la sorte, la pomme de 1950 était 100 fois plus riche en vitamine C que celle d’aujourd’hui.

Comment mieux avancer?

L’environnement ne peut répondre à toutes ces demandes sans s’épuiser. En tant qu’Occidentaux, notre type d’alimentation actuel a donc nécessairement des conséquences réelles sur la subsistance de bien des pays, mais a surtout un impact majeur sur la biodiversité. Par chance, ralentir cette dégénérescence environnementale est encore possible.

D’abord, l’alimentation carnée est l’une des plus néfastes et doit sans aucun doute perdre de sa popularité. L’eau donnée au bétail pourrait bien abreuver des peuples qui en manquent, les émanations de méthane de ces bêtes détruisent l’atmosphère et le transport de celles-ci jusque dans nos assiettes, pollue lui aussi.

Ensuite, tous les dommages causés à l’homme ne sont pas encore découverts, mais laissent croire à des complications futures. Il suffit de comprendre la contamination qui s’opère dans la chaîne alimentaire. Le thon rouge, très apprécié, serait surchargé de métaux lourds. Nous sommes presque à la base de cette chaîne et les ravages que nous y causons se retournent contre nous.

Mais il est encore possible de tourner le dos à cette industrie ravageuse. Des mesures sont en train d’être prises tels les «légumes moches», difformes, mais tous aussi nourrissants. Ceux-ci ont rapidement été adoptés en France et sont sur le point de faire leur apparition dans les étalages québécois. Aussi, le Salvador a tenté le coup en tournant le dos au Round Up qu’utilise Monsanto; le résultat: les rendements agricoles sont à la hausse. En achetant localement, nous freinons la surexploitation mondiale.

Il est donc temps de stopper cette surconsommation et cette marchandisation de l’alimentation. Essentielle à tous, elle ne devrait pas être partagée si inégalement, sachant qu’elle sera un jour limitée. Il faut donc ensemble faire preuve de responsabilité prospective, d’abord pour la planète, mais aussi pour nous et les générations à venir.


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