Démurer l’horizon

17 septembre 2016Francis Poulin
Catégorie : Poésie

Voici le poème que j’ai écris pour l’inauguration de la murale «Sherbylove» de MURIRS. J’ai écris ce poème passeque j’aime ma ville, passeque l’amour ça bat le rationalisme, passeque Snoute aurait adoré ça ben plus qu’une baisse de taxes, passeque MURIRS font un travail admirable, qu’elles font travailler un paquet d’artistes et qu’elles mettent de la beauté dans ton panier d’épicerie, passeque moi aussi des fois je suis quétaine demême et passeque la poésie ça défonce la brique.

toute ville avant d’être ville fut d’abord  un coup de cœur
dont le rêve se prolongea par la bouche d’un crayon
et on les réinvente aux canettes, aux pinceaux
des livres à ciel ouvert
des canevas à histoires

vous êtes ici
là où depuis plus de 13 000 ans
le coup de foudre se produit
là où le cœur s’accroche
où l’amour congestionne, klaxonne, s’fait aller la casserole
théâtre de retrouvailles

au cœur des Cantons
au carrefour de l’action et du pas affairé
là où le temps s’arrête seulement
quand chante la voie ferrée
là où matin, midi et soir, on voit la crue des âmes
où confluent les errances autant que les espérances,
les effluves des rivières, les brassins de bières et les soupes populaires
les cultures qui ruissellent de Bellevue à Beauvoir

vous êtes ici
au coin Wellking
où le 45e parallèle rencontre enfin son méridien
où la Magog embrasse, en déboulant, la Saint-François
là où les Iroquois troquaient avec les peuples algonquiens
là où les Québécois mangent chaque jour maghrébin
où les langues se croisent pour se parler d’amour
ce mot même pas français venu de l’occitan
par la verve romantique des poètes-troubadours
nous rappelant que les langues sont rivières
abreuvent, nourrissent, débordent
et se foutent des frontières

vous êtes ici
au croisement des cours d’eau, de la peinture et de la pierre
où le ciel troue l’béton et tire les murs à terre
où la ville s’ouvre à vous en carte d’anniversaire

sherbylove!
le mot s’arque et fait lever les têtes
déclaration d’amour et appel à la fête
mot-clic pour se repérer dans l’fouilli numérique
slogan d’aventurières du web en quête de passions
devenu l’bonjour qu’on lance du bout de nos perrons
c’est kitsch et c’est quétaine
ça rock et ça crie dans la pierre je t’aime
c’est là, c’est plein de couleurs
immanquable, immuable
comme une Michèle Richard qui chante L’oiseau de feu,
ou un solo de Rej.E, en transe, en archet sur l’ampli
ou l’espoir débordant dans l’dedans des yeux des petits

vous êtes ici
où viennent se lover
colombes et pigeons
et les amants nocturnes qui renomment les étoiles
où se perchent les rêves
des familles Bénitez, Bertrand, Beaulieu et Badawi
où la beauté déboule
où la vie t’fait des Bou!
sac à surprises de poésies

tu peux t’y tremper le regard
tu peux t’y tromper l’œil
tu peux même faire tomber,
disparaître les murailles
car l’amour est aveugle

vous êtes ici
les yeux rivant un mur qui vient de naître
et qui bat la chamade
son ciel déborde d’espoir
reflue vers le futur et fait chanter les grenouillères
sa porte-bonheur s’ouvre et vous questionnes :
où est-ce que nous allons?

là où s’accroche l’aorte comme une cloche à l’église
là où les mots deviennent murales
là où l’humain charpente et s’arc-boute
là où les fourches sont grandes et s’infinient
là où s’enfonce le regard des créateurs
là où nous mène le cœur
démurer l’horizon


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