Les héros de la sapinière (La nuit de Noël, épisode 8)

15 décembre 2016Pier-Luc Brault

Lorsqu’il ouvrit la porte de sa maison une demi-heure plus tard, Romarin trouva ses invités dans une cohue particulièrement intense, même pour une foule aussi importante. La nouvelle de la mort du prince s’était visiblement répandue. Après avoir retiré ses vêtements d’extérieur, Romarin traversa le rez-de-chaussée, puis emprunta l’escalier menant à la mezzanine. Il se rendit ensuite au microphone, puis s’éclaircit la gorge pour prendre la parole.

— Un deux, un deux, prononça-t-il pour vérifier que l’appareil fonctionnait bien.

La foule se tut aussitôt.

— Chers frères, chères sœurs, chers cousins, chères cousines, beaux-frères, belles-sœurs, oncles, tantes…

— Aboutis, Romarin! lança un des convives.

— Oui, bon… J’aurais aimé vous faire un discours solennel, mais ce n’est pas trop mon truc. Allons-y donc simplement : comme vous le savez, une explosion survenue ce matin à l’entrepôt de cadeaux a emporté avec elle le Prince Bradley, de même que tous les jouets destinés à être distribués demain aux enfants du monde entier.

Il marqua une pause.

— La veille de Noël de cette année risque donc d’être annulée, d’autant plus que les personnes influentes n’ont aucunement l’intention de faire quoi que ce soit pour sauver la situation.

Il s’arrêta un instant pour réfléchir à la meilleure manière de présenter sa proposition.

— Je vous propose donc, mes chers amis, de jouer les héros. Pour faire en sorte que le 25 décembre au matin, comme chaque année, les petits garçons et les petites filles du monde entier trouvent un cadeau sous leur sapin, nous allons fabriquer de nouveaux jouets. En bois, comme au bon vieux temps. Nous utiliserons le bois de notre sapinière. Je suis conscient que vous n’êtes pas venus ici pour travailler… Mais vous comprendrez que la situation est exceptionnelle. Lorsque tout ceci sera terminé, nous festoierons encore plus fort, c’est tout.

Les centaines d’invités demeurèrent silencieux pendant quelques secondes. C’est Ventdhiver qui brisa le silence :

— Mais comment pouvons-nous possiblement fabriquer autant de jouets en si peu de temps, Romarin?

— Ah oui, j’oubliais! Une collègue et moi-même pensons avoir de bons arguments pour convaincre la Fée des Étoiles de nous fournir une grande quantité de poussière d’étoiles.

La foule demeura silencieuse à nouveau, jusqu’à ce que Ventdhiver brise encore le silence :

— Eh bien, mon Romarin, à vrai dire, ton plan me paraît un peu cinglé. Mais si tu as confiance qu’il peut marcher, et que tu nous dis qu’il fera de nous des héros, alors oui, je veux bien être un héros.

Des sons d’approbation se firent entendre d’un peu partout dans la foule. Ils se transformèrent bientôt en une bruyante acclamation.

— Mes amis, je vous remercie du fond du cœur! déclara Romarin avec soulagement. Je vous invite à commencer à aménager la maison en atelier de jouets. Il faudra aussi improviser une scierie à l’extérieur, et commencer à couper du bois dans la sapinière. Pour ma part, j’ai une fée à visiter! Je vous reviendrai dans quelques heures avec de la poussière d’étoiles en quantité.

Il quitta ensuite la mezzanine pour regagner le rez-de-chaussée.

Au pied de l’escalier, l’attendaient Farandole et Marie-Noëlle. Cette dernière l’accueillit avec un baiser.

— Romarin, la sapinière… s’inquiéta-t-elle.

— N’aie crainte, avec toute cette poussière d’étoiles, nous pourrons la faire repousser en un rien de temps.

Il la serra dans ses bras.

— Je crois que je vais apporter Farandole avec moi pour aller voir la fée, lui chuchota-t-il à l’oreille. Qu’en penses-tu?

— J’en pense qu’elle va faire des jaloux à l’école, répondit Marie-Noëlle avec un sourire avant de l’embrasser à nouveau. Bon, je vous laisse à votre périple, de mon côté je vais aller aider aux préparatifs.

Les amoureux interrompirent leur étreinte, puis Marie-Noëlle disparut parmi la foule en mouvement. Romarin posa un genou à terre pour se mettre à la hauteur de Farandole.

— C’est vrai, papa, qu’on va être des héros? demanda la fillette de sa voix enfantine. Est-ce que je vais être une héroïne, moi aussi?

— Sans l’ombre d’un doute, assura Romarin. Farandole, aimerais-tu rendre visite à la Fée des Étoiles avec moi?

Les yeux de Farandole s’ouvrirent plus grands que jamais.

— Je… je peux?

— Bien entendu, mon trésor. Si je monte là-haut sans toi pour réclamer de la poussière d’étoiles à la fée, il n’est pas dit qu’elle va accepter. Mais je suis sûr d’une chose : c’est qu’elle ne pourra jamais résister au regard flamboyant d’une petite Farandole.

La fillette rougit.

— Merci, papa.

— Merci à toi, Farandole.

Lire la suite du roman-feuilleton La nuit de Noël n’est pas un dîner de gala


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