Le trésor du grenier (La nuit de Noël, épisode 4)

15 décembre 2016Pier-Luc Brault

Romarin se leva et remonta à l’étage pour rejoindre Farandole, qui l’attendait patiemment assise sur son lit, vêtue d’un pyjama à pattes orné de dessins de bonhommes de neige. Il s’assit à côté d’elle.

— C’est l’heure de l’histoire des Noëls d’antan! annonça Romarin.

— Mais… Tu ne m’avais pas dit que j’aurais encore mieux qu’une histoire, cette année?

— J’ai dit ça, en effet. Et je ne t’ai pas menti! Mais avant, il faut que tu te rappelles ce que je t’ai toujours raconté à propos des Noëls d’antan.

La fillette demeura silencieuse un instant avant de prendre la parole.

— Eh bien, commença-t-elle, je me souviens que tu m’as raconté que les lutins passaient toute l’année à fabriquer les jouets, dans un immense atelier, ici même, à Trèsaunord.

— Et les jouets, ils étaient distribués comment? interrogea Romarin.

— Le Père Noël les distribuait lui-même. Il montait à bord d’un grand traîneau tiré par des rennes volants, s’arrêtait sur le toit de chaque maison, y entrait par la cheminée, puis déposait les cadeaux sous le sapin.

— Tu t’en souviens bien! félicita Romarin.

— Mais papa, il y a quelques trucs que je ne comprends pas bien, dans ton histoire. Comment ils volaient, les rennes? Les nôtres ne volent pas! Et puis tu m’as toujours dit que les pères Noël d’antan étaient toujours très gros, alors comment ils entraient dans les cheminées?

Romarin lui jeta un regard espiègle.

— Viens avec moi! lui dit-il simplement.

Romarin et Farandole montèrent ensemble au grenier de la maisonnette. Là-haut, on ne trouvait rien d’autre qu’une vieille bibliothèque garnie d’ouvrages poussiéreux. Un vieux pot de café reposait sur la plus haute tablette. Romarin tendit le bras pour prendre le contenant. Il l’ouvrit, y plongea la main et en sortit une fine poudre qui émettait une intense lueur bleutée. Rien ne brillait davantage dans la chaumière abondamment décorée, à part peut-être les yeux de Farandole à ce moment précis.

— Ferme les yeux, mon trésor.

Farandole s’exécuta.

— Dis-moi donc, Farandole, combien as-tu de frères et sœurs? s’informa Romarin.

— Vingt-quatre, répondit Farandole, mais ils ne vivent plus ici.

— Et combien de nièces et de neveux?

— J’en ai 216. La plupart sont plus âgés que moi.

— D’oncles et de tantes?

— Cinquante-sept. J’ai également des centaines de cousins et de cousines, sans parler des petits-cousins. J’ai aussi des petits-neveux et des petites-nièces, mais tu ne me l’as pas demandé.

— Tout cela est exact, affirma Romarin. Et où est-ce que toutes ces personnes vont passer la période des Fêtes?

— Ici, comme chaque année.

— Bravo! Mais maintenant, dis-moi, comment tout ce beau monde peut possiblement rentrer dans cette maison?

— Eh bien, chaque année, l’intérieur de la maison s’agrandit pour la période des fêtes, comme par magie. Mais je n’ai jamais compris comment…

— Ça ne te rappelle pas un autre questionnement, impliquant aussi un très petit espace qui doit accueillir quelque chose de beaucoup plus gros?

Farandole réfléchit un moment, avant de s’écrier :

— Les cheminées, avec les pères Noël d’antan!

— Tu comprends vite, Farandole. Maintenant, tends-moi la main.

La fillette s’exécuta à nouveau, les yeux toujours fermés. Romarin déposa dans sa main la poudre lumineuse qu’il tenait encore dans la sienne.

— Très bien, continua Romarin, à présent, pense très fort à ce dont avait l’air l’intérieur de la maison durant les temps des Fêtes que tu as connus, à quel point il te paraissait immense. Pense aussi au mobilier qui s’ajoutait pour l’occasion : toutes les tables et les chaises, tous les fauteuils et les lits, pour accueillir toutes ces personnes.

La petite lutine plissa les yeux un peu plus.

— Maintenant, toujours en gardant les yeux fermés, place ta main près de ta bouche, et souffle très fort sur la poudre.

Farandole prit une grande inspiration, puis fit voler le contenu de sa main.

Aussitôt, le sol commença à s’agiter sous ses pieds, et les murs se mirent à émettre de drôles de grincements. De lourds objets semblaient tomber partout autour d’elle. Le vacarme dura une bonne minute. Puis, plus rien.

— Tu peux ouvrir les yeux, annonça Romarin.

La fillette ouvrit les paupières, puis émit un cri de surprise. Le grenier avait désormais la taille d’un petit village, et la vieille bibliothèque était disparue pour laisser place à des lits à baldaquin à perte de vue. Il y en avait certainement quelques milliers.

— Bienvenue dans la chambre des invités, Farandole! Allez viens, on va aller voir en bas!

Farandole suivit son père jusqu’au centre de la pièce, désormais à quelques minutes de marche, pour emprunter l’escalier descendant à l’étage. Celui-ci n’était plus qu’une mezzanine surplombant un immense rez-de-chaussée couvert de chaises, de tables et de fauteuils. Au centre de la pièce, s’élevait un immense sapin qu’elle reconnût immédiatement : c’était celui que sa mère avait fini de décorer plus tôt cette journée-là. Cependant, il était maintenant au moins dix fois plus haut et plus large. Les décorations qui le garnissaient avaient augmenté de volume en conséquence. Parlant de décorations, il y en avait en abondance : la maison brillait toujours autant, mais à plus grande échelle.

— Papa, c’était quoi, cette poudre bleue?

— Ça, ma fille, c’était de la poussière d’étoiles. La même qui permettait aux pères Noël d’antan de faire entrer des milliards de jouets dans un seul traîneau, de faire voler les rennes, de parcourir le monde en une seule nuit, et d’entrer dans les cheminées.

Farandole resta bouche bée devant cette information.

— Maintenant, il se fait tard, mon trésor. Nos invités commenceront à arriver demain. Il est donc temps que nous allions dormir, tous les deux. Retourne-toi, et tu remarqueras que la porte de ta chambre est toujours là, derrière toi.

La fillette obtempéra, marcha jusqu’à son lit, puis se glissa sous les couvertures. Romarin la suivit pour la border, puis l’embrassa tendrement sur le front.

— Fais de beaux rêves, Farandole.

— Toi aussi, papa.

Romarin quitta la pièce en refermant la porte derrière lui. Il lui fallut au moins dix minutes pour se rendre à sa propre chambre.

Lire la suite du roman-feuilleton La nuit de Noël n’est pas un dîner de gala


Partager cet article
Commentaires