Mise à nue

10 septembre 2017Sarah Beaudoin

«Dans le fond, t’es pas mal l’homme dans le couple..!??»

«T’es mélangée, ça doit être à cause de trucs qui te sont arrivés dans ton enfance…»

«On sait bin que ça n’existe pas la bisexualité, soit t’aimes les hommes, soit t’aimes les femmes…un moment donné tu vas virer lesbienne»

«C’est superbe la bisexualité, je supporte ça à 110%, mais pourrais-tu ne pas en parler en public et surtout pas devant des hommes»

Il est faux de dire que la lutte pour les droits de la communauté LGBT+ est gagnée et qu’elle n’est plus pertinente aujourd’hui, parce qu’on est en 2017 et que, vous savez, on n’arrête plus les gais et les lesbiennes lorsqu’ils ou elles s’affichent.

À mon avis, plusieurs préjugés et tabous existent encore concernant cette lutte et on prend pour acquis que la lutte est gagnée parce que l’oppression est plus subtile, mais elle est toujours bien présente.

Depuis mon «coming-out» public sur Facebook (voir encadré ci-dessous), j’ai eu beaucoup de commentaires biphobes à mon sujet. Au lieu de me laisser entraîner par les émotions négatives de ces personnes souvent plus ignorantes que réellement haineuses, j’ai décidé de faire un truc qui me définit bien comme personne, être 100% honnêtes avec vous et discuter, sans tabous, des conséquences de mon «coming-out».

Beaucoup de commentaires biphobes de personnes qui m’étaient chères et que je vois de moins en moins m’ont été faits. Ça, c’est ce qui fait le plus mal, parce que tu sens que toute ton identité et ta raison d’être, tout ce que tu es, est systématiquement rejeté par des personnes qui te sont réellement importantes. Tu es alors confrontée à un choix, qui je dirais dans le cas de mon «coming-out» sur ma bisexualité, est le plus difficile des dilemmes; s’aimer et s’accepter comme on est, accepter de perdre certaines personnes de cette façon pour ensuite trouver d’autres personnes avec qui la relation sera vraisemblablement meilleure OU choisir de laisser les autres te définir et t’étiqueter. Les deux choix sont aussi difficiles, à mon avis. J’ai choisi le premier, mais je ne blâme pas ceux et celles décidant de choisir le deuxième. Ce choix appartient à chacun.

Toutefois, il faut savoir et comprendre au plus profond de nous-mêmes que peu importe le choix que la personne fait en soi, il y aura toujours quelqu’un éprouvant de la difficulté à s’accepter soi-même pour étiqueter et juger. Il y aura toujours de l’oppression, que tu fasses partie de la communauté LGBT+ ou non, que tu t’affirmes ou non.

Je suis une femme, féministe, de gauche, impliquée en politique, athée, non ethniciste, végétarienne, bisexuelle et militante. Une mine d’or pour celles et ceux voulant rehausser leur estime personnelle en écrasant et marginalisant les autres. Pourtant, je ne laisse plus tout ça m’atteindre parce que justement, je n’aurais de cesse de me faire rabrouer. Les commentaires énoncés dans le haut de l’article m’ont bel et bien été adressés, durant les trois mois et demie qui se sont écoulés depuis mon «coming-out» et, je dois l’avouer, je me suis laisser prendre au jeu et atteindre par ces individus.

Récemment, toutefois, j’ai compris que la journée de mon «coming-out», la journée que j’ai réalisé que mon amour pour moi-même et ma propre acceptation étaient plus importantes que tout jugement extérieur ou que tout ce qui m’était maintenant possible de perdre, était la plus belle journée de ma vie et, à tout compter, l’action la plus pertinente et la plus belle preuve d’amour que je n’avais jamais fait. Ayant eu une bataille jamais réellement terminée avec la dépression et l’anorexie mentale durant mon adolescence, j’ai eu bien de la difficulté à me défaire d’un cycle vicieux de mauvaise estime personnelle puis de «sabotages relationnels». Celles et ceux ayant combattu les mêmes problématiques sauront de quoi je parle… C’est peut-être décourageant, mais je crois personnellement que l’on naît tous et toutes avec certains éléments à travailler, certains obstacles et la seule et unique réponse, la seule et unique façon de contrer ces obstacles, est de s’Aimer.

L’Amour est quelque chose d’effrayant, puisqu’il nous met à nu et nous expose à toutes les blessures, que ce soit l’Amour pour soi ou pour une autre personne, mais il y a un côté émancipateur et rafraîchissant à l’Amour réel qu’il ne faut pas oublier.

L’Amour nous permet de nous affranchir des obligations et pressions vécues à tous les jours et de nous réfugier dans un espace d’acceptation inconditionnelle de nous-mêmes. Je comprends toutefois celles et ceux encore réticentes à faire le pas, puisque moi-même j’avance et recule continuellement dans cette zone. La lutte n’est jamais gagnée, mais je crois qu’il faut saisir l’occasion lorsqu’elle se présente à nous.

Pour celles et ceux éprouvant des difficultés à s’accepter telles qu’ils ou elles sont, sachez qu’au moins une personne pense à vous en ce moment et vous aimes tel que vous êtes.

Que vous soyez en train de lutter contre une problématique de santé mentale, en train de vous demander si vous acceptez de vous afficher comme membre de la communauté LGBT+, de combattre une addiction quelconque, ou de lutter contre tout autre obstacle à un Amour de soi inconditionnel, je salue vos efforts et votre combat et vous souhaite tout l’Amour qu’il est possible d’avoir.

Je suis avec vous en pensées et même en personne si vous avez besoin d’une oreille attentive.

Bonne lutte à tous et toutes!

Mon « coming-out » sur Facebook :

Ce statut va peut-être surprendre…

Je crois ne jamais avoir autant souri qu’aujourd’hui. Je me sens vivante, heureuse et fière. Ce midi, j’ai assisté à la conférence de Manon Massé qui avait pour thématique la place de la femme dans le projet de souveraineté de Québec solidaire. Parenthèse pour dire que la conférence était excellente et inspirante, mais ce n’est pas le sujet principal de mon statut. Durant son discours, Manon a mentionné que les droits des femmes et des membres de la communauté LGBT+ se gagnaient toujours par des luttes et qu’il fallait que les femmes et personnes LGBT+ se lèvent debout pour défendre leurs droits, car autrement, ils ne seraient pas pris en considération. Triste, mais vrai.

Je réalisai alors que je vivais une vie qui n’était pas complètement vraie, qui n’était pas en concordance avec mes valeurs d’authenticité et d’acceptation de moi-même, seulement parce que j’avais peur du jugement des autres et des impacts qu’une telle annonce pourrait avoir sur bien des sphères de ma vie. Après tout, bien qu’on soit en 2017, bien des inégalités existent encore à ce niveau.

Je suis bisexuelle. Je le sais depuis un an déjà et je le niais avant. Quelques proches le savent déjà et ont su garder le secret tout ce temps. D’autres proches doivent lire ces mots et être plutôt troublés par la forme que prend cette annonce; un statut facebook. C’est tellement cliché et impersonnel! Pour moi, c’est une façon de l’annoncer à tout mon monde, en même temps et officiellement et de vivre pleinement ce moment de ma vie avec tous les gens que j’aime. J’aurais bien voulu vous le dire tous personnellement, mais c’était impossible.

Merci à Laurie Foisy une merveilleuse amie qui m’a fait réaliser sans nécessairement le savoir que la vie était trop courte pour prétendre être quelqu’un qu’on est pas, ou pour ne pas être qui on est réellement. Merci pour ton support quand tu étais la seule à le savoir, je t’aime bin fort!


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