Lutter contre le gaspillage alimentaire

27 janvier 2018Laurence Williams
Catégorie : Environnement

Saviez-vous qu’en Amérique du nord, environ 1/3 de la nourriture passe directement de l’étalage à la poubelle ? Le système alimentaire est malheureusement conçu de façon à favoriser la production et la consommation de masse, créant d’importants surplus. Pour un détaillant, il est souvent plus avantageux financièrement de tout simplement jeter un aliment périmé que de lui trouver un débouché…. scandaleux n’est-ce pas ? Que faire pour prendre action contre le gaspillage alimentaire ?

Un système alimentaire désuet

Notre système alimentaire comprend selon moi de nombreuses failles. D’abord, mentionnons qu’il est principalement fondé sur l’utilisation présente et future des énergies fossiles dans toutes les étapes de production, transformation et de consommation. Toutefois, il est important de noter que le pétrole et les autres énergies fossiles sont des sources d’énergie non renouvelables, c’est-à-dire qu’elles sont consommées plus rapidement qu’elles ne sont produites à échelle de vie humaine. En effet, « notre système est faillible et la fin du pétrole à bas prix cumulé aux changements climatiques aura pour impact de stimuler un ensemble de crises économiques, politiques et environnementales» (Hopkins et Pinkerton, 2009). C’est donc dans ce contexte que l’autonomie alimentaire des villes devient cruciale et que limiter le gaspillage est une priorité !

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Ensuite, la tendance en matière d’aliments est à la quantité plutôt qu’à la qualité. Ainsi, on encourage la production de masse qui favorise les monocultures, ainsi que l’utilisation de pesticides et d’OGM, ce qui est autant nuisible pour l’environnement que pour les agriculteurs.

De plus, il est important de mentionner le transport des aliments, ou la notion du kilométrage alimentaire, soit la distance qu’a parcouru un aliment avant d’atteindre notre assiette. Bien qu’on cultive des pommes et des tomates au Québec, celles qui se retrouvent sur les étalages des épiceries viennent principalement de l’Europe, de l’Amérique du Sud et des États-Unis. En effet, la pomme consommée au Québec aura parcouru en moyenne 9350 km, alors que la tomate en aura parcouru 2400. Malheureusement, les légumes locaux et de saison de sont qu’une infime partie de ce qu’on offre au consommateur dans les magasins d’alimentation grande surface.

Finalement, en Amérique du Nord, les habitudes alimentaires des citoyen.ne.s encouragent la production d’aliments gras et sucrés, et venant de partout dans le monde, alors qu’il faudrait adapter notre consommation et nos goûts aux cultures locales ! Un autre élément qui présente selon moi un déséquilibre est la distribution de la nourriture. Alors que sur la planète certaines personnes ne mangent pas à leur faim, d’autres jettent de la nourriture encore tout à fait comestible. Le concept de date de péremption y est pour quelque chose. Cette procédure rigide ne donne pas une grande marche de manœuvre aux organismes qui souhaitent récupérer la nourriture et la transformer lors d’événement de soupes populaires ou autres, puisque l’utilisation d’aliments officiellement périmés est généralement considérée illégale.

Le dumpster during ; un geste politique !

C’est dans ce contexte que je me suis questionnée sur la portée de mes choix, sur mon poids politique en tant que consommatrice. Suis-je vraiment encline à encourager un système alimentaire désuet, qui produit tant de déchets, qui n’encourage ni l’alimentation biologique, ni le commerce équitable, et qui n’offre habituellement pas de bonnes conditions de travail aux employés ? Non. Ça ne m’intéressait pas du tout. J’ai donc découvert le Dumpster Diving, ou plutôt l’art de s’approvisionner dans les poubelles abondantes des super marchés. C’est d’abord une amie qui m’a « convertie » à cette pratique plutôt radicale de récupération de nourriture. Cela fait maintenant presque 6 ans que je m’alimente entre 50 et 70% d’aliments qualifiés de « périmés » par le système alimentaire conventionnel.

C’est intéressant parce que lors des premières sorties, l’excitation grimpe à la vue de toute cette nourriture gratuite. On se sent volubiles ; envahi.e.s par un mélange de rage face à ce gaspillage et d’excitation égoïste face aux économies réalisées sur sa propre facture d’épicerie. La première année, j’ai mangé un peu trop de tartes aux pacanes et de pains blancs (qu’on retrouve en abondance dans les poubelles !). Maintenant, je suis beaucoup plus sélective disons. Il faut trouver un équilibre entre ce qu’on veut donner comme énergie à notre corps et ce qu’on trouve gratuitement. Dans les grandes villes comme Montréal, il est possible de trouver d’excellents produits dans les poubelles, et d’ainsi participer à lutter contre le gaspillage alimentaire !

Dumpster diving

Des actions inspirantes

De nombreux programmes existent pour lutter au gaspillage alimentaire au Québec. Comptons notamment le programme À vos frigos ! de l’organisme Jour de la Terre, les frigos communautaires, l’initiative Sauve ta bouffe (issue des AmiEs de la Terre de Québec), le glanage au champ, et bien d’autres !

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Si je dois acheter un aliment (ce qui est devenu plutôt rare !), je tente d’analyser son empreinte écologique pour m’assurer de faire le meilleur choix possible. J’aime bien utiliser le concept d’analyse du cycle de vie, soit l’analyse de l’ensemble des opérations réalisées dans la production, la transformation, l’utilisation et la fin de vie d’un produit. C’est un outil intéressant qui permet de rassembler les éléments majeurs à évaluer dans l’achat d’un produit. Comme vous l’aurez deviné, le dumpster diving intervient donc à l’étape de la « fin de vie » d’un produit, en réduisant le gaspillage !

Si cette cause vous interpèle, il est facile de poser des actions concrètes pour réduire le gaspillage ! Commençons par évaluer nos besoins et acheter moins. Commençons par faire confiance à nos cinq sens lorsqu’on évalue si un aliment est encore propre à la consommation, plutôt qu’à une date de péremption souvent trompeuse. Commençons par nous informer sur les programmes en vigueur près de chez nous ! Et pourquoi ne pas démarrer un programme de Frigo communautaire ? Par exemple à Sherbrooke, l’initiative du frigo Free-go permet à de nombreux citoyens de s’alimenter gratuitement grâce aux dons des restaurants du centre-ville et des fermes locales ! Il s’agit d’un frigo public placé dans un lieu stratégique au centre-ville de Sherbrooke, où tous peuvent apporter des denrées qu’ils ne consommeront pas et prendre des aliments prêts à consommer. On y retrouve autant des pains, que des légumes et des repas préparés.

Finalement, je pense qu’il est primordial de reconnecter les citoyen(ne)s aux aliments qu’ils consomment. Si on cultivait nous-mêmes nos fruits et légumes ou qu’on connaissait bien nos producteurs, il serait beaucoup plus difficile de gaspiller, puisqu’on serait émotivement reliés aux aliments. De nos jours, très peu de gens entretiennent un tel lien avec leur nourriture en sachant où, comment et par qui elle est produite. Pourtant, cela nous permettrait d’être reconnaissants du travail acharné et des ressources utilisées pour produire ce que l’on mange.

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