L’amitié, le temps et la foi

8 février 2018Evelyne Papillon et Jean-Benoît Baron
Catégories : Chronique , Cinéma

On connaît la réalisatrice Catherine Martin pour nous avoir offert des fictions comme Trois temps après la mort d’Anna ou encore son plus récent Une jeune fille, mais on la connaît également comme documentariste. Après nous avoir proposé Océan et L’esprit des lieux, elle nous revient cette fois avec son essai Certains de mes amis.

Ce long-métrage propose un regard sur sept personnes, sept amis de la réalisatrice, sur leurs passions personnelles, sur ce qui les anime, sur ce qui les rend heureux. C’est en toute simplicité que nous apprécions ces moments passés avec ces gens exceptionnellement ordinaires. Ce sont des gens qui, pour la plupart, ont travaillé dans l’ombre, sur les précédentes œuvres de Catherine Martin. Parmi ces personnes, on retrouve l’artiste-peintre et graveur François Vincent, que l’on peut voir à l’œuvre dans son atelier. On peut apercevoir certaines de ses œuvres dans Trois temps après la mort d’Anna. Matthew Jennejohn, musicien et luthier qui se spécialise entre autres dans la pratique du hautbois baroque et du cornet à bouquin. On a pu entendre l’artiste à l’œuvre dans le film Une jeune fille. Hugo Brochu, devenu aphasique suite à un accident et qui a été monteur sonore pour plusieurs films de Martin.

Ce qui ressort le plus de ce film, c’est l’envie d’aller à contre-courant. En effet, même si nous savons que ce sont ses amis d’abord, l’idée de présenter ceux qui se cachent derrière la caméra plutôt que devant est assez originale en soi. Dans ce cas-ci, ce sont ceux qui gravitent dans l’ombre de ses films qui sont en vedette. Il y a aussi cette idée de lenteur. Dès les premières images du film, nous sommes déstabilisés devant la longue durée des plans. Alors que nous vivons dans une époque bombardée d’images, alors que tout va rapidement, Martin nous propose de prendre le temps, en installant une ambiance visuelle et sonore. D’ailleurs à ce sujet, aucune musique n’est utilisée dans le film en post-production, se rapprochant du cinéma réalité ou du mouvement cinématographique danois Dogme95.

Un film à savourer plans par plans.

 

Certains de mes amis – Entrevue avec Catherine Martin

par Evelyne Papillon

Catherine Martin_crédit Anouk Lessard

On peut dire que le silence et les rythmes lents sont bien présents dans ce documentaire. Qu’est-ce que cela révèle?

C’est ma manière de concevoir le cinéma, de faire entrer le spectateur dans une image. Je m’adresse à son intelligence. Il y a de la musique seulement au moment où on rencontre le musicien, car ailleurs elle n’est pas nécessaire. Le film est une expérience sensorielle, c’est l’importance d’être présent au monde. Le temps est très important au cinéma, c’est pourquoi les plans sont de longue durée.

Comment avez-vous choisi les amis que vous présentez dans le documentaire?

La plupart sont des amis proches, d’autres m’intriguaient de par leur travail, par exemple le musicien qui joue de la musique ancienne. Le peintre avait peint des toiles pour mon film Trois temps après la mort d’Anna. Sinon, c’est la curiosité et l’admiration que j’avais pour ces gens, ainsi que leur engagement dans le travail, dans l’art et dans la vie. Ils ont foi de ce qu’ils peuvent apporter aux autres, c’est simple mais important. La plupart ne sont pas connus, mais gagnent à être connus. J’ai voulu montrer tout le travail qui se trouve dans leur art. J’ai fait leur portrait pour que ressorte leur humanisme.

Comment s’est passée l’entrevue avec votre ami aphasique?

Très bien. Il était préparé, éloquent et très généreux. J’admire tous mes amis, mais celui-ci a dû faire de nombreux deuils et s’est reconstruit. Il a cheminé beaucoup : réapprendre à marcher, faire des choses simples à une seule main, etc. Il a toujours été très volontaire et heureux d’être vivant. La scène où on le voit avec son kayak adapté se déroule à Eastman.

Qu’est-ce que vous aimeriez que le public retienne de votre film?

L’importance d’être attentif au monde, de voir la beauté de la vie et d’être dans le moment présent. Il y a d’ailleurs une petite surprise à la fin du film le rappelant.

Le film sort le vendredi 9 février à la Maison du cinéma. Le 13 février, Catherine Martin sera présente pour rencontrer le public.


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