Dans le secret du Cabinet #6

12 septembre 2018Steve le Bienheureux

Je suis bien content de te retrouver après t’avoir un peu délaissé cet été. Je sais bien que j’avais promis de t’écrire «tous les jours», mais si tu savais ce que c’est d’être maire de Sherbrooke, tu comprendrais qu’il ne faut jamais prendre mes promesses au pied de la lettre. Et puis j’ai été pas mal occupé ces vacances. Enfin la liberté! Loin du conseil municipal, loin de toute cette gang de conseillers dits «indépendants» comme moi, mais qui en fait agissent en toute indépendance constamment contre moi. Avant de partir en vacances, il m’a même fallu rouler en voiture électrique pendant une semaine!! Plus de bruit de moteur, plus de bonne odeur d’huile chaude et d’essence mélangées, plus de vrombissement déchirant le ciel quand l’aiguille du compteur touche la zone rouge. Plus rien que le gazouillis des oiseaux. On se croirait dans la nature, comme quand mon amoureuse m’entraine par la main pour aller «respirer l’air pur» avec Pitou notre chien, alors que moi j’avais prévu d’astiquer ma motocross tranquillement dans le garage. Alors je peux te dire qu’après une semaine en voiture électrique, je n’avais pas trop de deux mois de vacances pour rattraper mon sevrage de motocross. Et puis, le motocross c’est bien plus écologique que la voiture électrique, parce que ça ne consomme rien pour avoir l’air climatisé!

Les vacances sont finies, et maintenant il flotte dans l’air cette douce odeur vive et fraiche de campagne électorale. Haaa, la campagne électorale… Que de bons souvenirs!! De tout mon mandat, cela reste l’époque bénie. C’était l’époque où le matin je pouvais promettre un budget zéro hausse de taxe, et l’après-midi un fond d’investissement de 700000$. En conférence de presse je pouvais demander un moratoire sur le projet Well Inc, et déclarer que j’allais résoudre la gestion de Valoris dès le premier jour de mon mandat. J’ai tellement fait de déclaration qu’un matin, sans trop me souvenir vraiment pourquoi, j’ai même demandé au maire sortant Bernard Sévigny de retirer sa candidature parce que je ne la trouvais pas pertinente.

Bref, c’était le bon temps, le moment où tout était encore possible. Parce que je peux bien te le dire à toi mon cher journal, si je fais un bilan de ma première année comme maire de Sherbrooke, je crois bien que j’ai promis bien trop de choses pendant la campagne. C’est un peu comme quand on fait son épicerie alors que l’on a faim: on achète tout et n’importe quoi en croyant qu’on va pouvoir tout manger. Par exemple, j’ai dit que je voulais faire du sport une priorité, et au final le conseiller que j’avais nommé au comité des sports démissionne parce qu’il préfère avoir des bonnes idées dans son coin plutôt que de me les souffler à l’oreille pour que l’on ait des bonnes idées ensemble. J’avais demandé un moratoire sur Well Inc, parce que je trouvais que c’était un mot très joli pour décrire la situation complexe de ce projet immobilier. Et ben les promoteurs du projet ont préféré quitter le projet avant même que je ne puisse me servir de mon moratoire. J’ai d’abord tenu ma promesse sur Valoris, parce que j’ai visité l’usine quelques jours seulement après ma prise de fonction de maire. Mais après ma visite, j’ai appris par la presse que Valoris avait un endettement record… Je n’ai rien dit ce jour-là parce que j’ai eu peur que ça soit de ma faute: quand j’ai visité l’usine, j’étais tellement amusé par les tapis mécaniques de la ligne de tri que j’ai joué avec la switch on/off pour le faire avancer et reculer. Puis en jouant trop, ben je l’ai cassée… J’ai mis du tape dessus pour que ça ne se voit pas, puis j’ai repris la visite en faisant semblant avec mon grand sourire que tout allait bien.

Je sais mon cher journal, le constat est amer. Mais j’ai pris de bonnes résolutions pour la rentrée! Fini de me laisser déborder par les conseillers! Fini d’avoir les journalistes qui sourient poliment quand je fais un discours. De la drive, du leadership, une vision pour Sherbrooke que je vais apporter au conseil municipal! Je te le promets mon cher journal, comme quand j’étais en campagne.

(à suivre)


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