Cigarettes et VUS

31 janvier 2020Sylvain Vigier

Le rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) de 2018 qui détaille les actions nécessaires au maintien d’un réchauffement climatique global de 1,5°C est formel : la température moyenne de la planète a augmenté de 1,0°C depuis la fin du 19e siècle, et de 0,75°C depuis 1960. Les projections du GIEC sur l’évolution des températures dans le futur sont également éloquentes : augmentation de la température au-delà de 2°C si pas de neutralité nette des émissions de gaz à effet de serre (GES) ; réchauffement de 1 à 2°C à partir de 2040 si neutralité des émissions nettes de CO2 en 2055 ; réchauffement de 0,8 à 1°C en 2100 si neutralité des émissions nettes de CO2 en 2040 ainsi qu’une réduction importante des autres GES (méthane ; dioxyde d’azote…). Pour savoir à quelle sauce nous allons être mangés, on ne devrait lire que le rapport du GIEC. C’est là que l’on trouve les données sur l’état actuel de la situation climatique, et les projections avec les intervalles de confiance sur les différents scénarios possibles. Le GIEC émet ensuite des recommandations basées sur leurs données et analyses, et ne livre donc pas des analyses basées sur une idéologie politique ou de leur vision du développement (économique ou social). Bref, les faits sont là : en libre accès et discutables sur une base scientifique (révisez bien vos arguments quand même, car c’est plus de 50 scientifiques du climat qui signent le rapport).

L’Organisation mondiale de la santé (OMS), une structure des Nations unies tout comme le GIEC, estime que le tabac est responsable de 7 millions de morts par an sur la planète. Les maladies liées au tabac — maladies cardio-vasculaires, cancers, maladies respiratoires — sont rapportées et décrites par les médecins et scientifiques dès les années 1950, période à laquelle la consommation du tabac dans les pays occidentaux est extrêmement répandue notamment chez les hommes. En 1994, 40 % des Québécois fument, dont 35 % chez les 15 – 19 ans. Cette même année, le gouvernement provincial réduit de 50 % les taxes sur le tabac pour lutter contre la vente de cigarettes illégales. Technique inverse de notre nouvelle SQDC. C’est finalement en 1998 qu’une politique antitabac ambitieuse, révolutionnaire même, est votée : interdiction de fumer dans les entreprises et les lieux publics, interdiction de la publicité et des commandites pour le tabac, interdiction de la vente aux mineurs. Résultats : en 2018, 20 % des Québécois fument.

Politique antitabac ; interdiction de la publicité ; interdiction de la consommation dans certains lieux. Sommes-nous dans un pays totalitaire marxiste ? Autoriser la publicité et les commandites pour le tabac car sinon on pourrait « perdre des emplois » et « les évènements ne pourront plus avoir lieu », ce sont des arguments d’un autre âge ? Pourtant, si on est non-fumeur, on ne risque rien. La publicité n’est bonne que pour ceux qui y croient, et elle ne passera pas par moi vu que je fais du jogging. Ou peut-être que les coûts des soins pour les fumeurs sont des coûts pour tous ? Et donc un gouvernement un peu responsable applique une politique de lutte contre le tabagisme qui concerne un groupe restreint de personnes, mais bénéfique pour tous. Vous voyez venir la suite ?

À Sherbrooke, plus de 50 % des émissions de GES de la collectivité proviennent du transport. Si le GIEC nous indique que seule la neutralité des émissions nettes de GES permettra de limiter le réchauffement planétaire, ce secteur doit nécessairement diminuer ses émissions. Pourtant le parc automobile augmente et on apprenait récemment une augmentation de la consommation d’essence des automobilistes. Interdire la publicité et les commandites pour le secteur automobile ? Est-on plus libre en VUS qu’en voiture hybride, voire même, soyons révolutionnaires, en transport en commun ou en autopartage ? Tout comme la loi de 1998 sur l’interdiction de la publicité pour le tabac a fait scandale mais a porté ses fruits, nous ne pouvons pas espérer un changement de comportement si tous les jours nous sommes soumis aux mirages alléchants de la publicité pour plus de consommation. La balle est une nouvelle fois dans le camp des élu·e·s.


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