L’Acrobate

6 février 2020Souley Keïta
Catégories : Chronique , Cinéma

Une critique sans trop divulgâcher.

Exister.

Exister lorsque notre être est inachevé, imparfait.

Exister dans un corps qui ne s’appartient plus à lui-même et suivre à distance les tumultes d’une vie imposée par les autres.

L’Acrobate est sans doute une compréhension sur le fait que nous ne sommes peut-être plus capables de vivre par procuration et inaptes à nous endormir, de nouveau, dans les limbes de la solitude.

C’est ainsi que le spectateur rencontre Christophe et Micha, deux êtres humains en perdition par rapport au monde qui les entoure et qui cherchent à se construire, voire, à se reconstruire.

Avec en toile de fond, un Montréal submergé par les nombreuses constructions ouvrières, ils vont plonger dans la découverte de l’autre, flirtant, comme l’acrobate, avec une chute qui pourrait s’avérer douloureuse.

Rodrigue Jean, avec ce sixième long-métrage, clôt avec habilité et panache son triptyque après Love Song, en 2009, et L’amour au temps de la guerre civile, en 2015. Outre le fait de s’enquérir à casser les codes de la sexualité du cinéma comme Lars Von Trier ou Steve McQueen, il brise une certaine crispation sur la thématique sexuelle établie par une société bien-pensante.

Sa dernière œuvre subjugue, également, en mettant en avant le monde du cirque et ses nombreux acrobates.

Le film accapare le talent indéniable des deux acteurs que sont Sébastien Ricard (Dédé à travers les brumes, Avant que mon cœur bascule, Gabrielle, etc…) et Yury Paulau, dont c’était le premier long-métrage. Ces deux acteurs signent une performance de très belle facture et le journal Entrée Libre a pu s’entretenir au téléphone, un instant, avec Sébastien Ricard :

Souley Keïta : Un long-métrage sur la construction de l’être humain assez significative avec ce lieu inachevé, et dans lequel on retrouve deux êtres, inachevés, qui tentent de se construire. Est-ce que vous estimez qu’ils sont perdus dans une solitude et vont rester coincés dedans ?

Sébastien Ricard : Je pense que oui. Ce n’est pas comme une fatalité car la solitude est une condition essentielle de l’homme. Il y a parfois des moments, des rencontres qui ne sont pas capables de nous sortir de cette condition. Peut-être qu’au fond, c’est une manière pour le personnage de Christophe de mieux vivre avec cette solitude ou, sans doute, de révéler sa réalité et toute sa cruauté. Dans le film de Rodrigue Jean, nous sentons que la solitude est quelque chose de fondamentale.

Souley Keïta : L’acrobate est souvent associé à quelqu’un qui flirte avec le danger, pour se sentir vivant, pour se sentir exister. Est-ce qu’il en est de même pour ces deux personnages ? (Ex : scène de la douche)

Sébastien Ricard : Oui, vraiment ! Je pense que le désir et le danger sont liés. Pour que le désir existe, il y a une transgression qui subsiste. Ce n’est pas obligatoire que cela soit évident mais pour le personnage que je joue, il peut voir que la transgression est partout à partir du moment où il rencontre le personnage de l’acrobate, Micha. Christophe va rentrer dans un univers de transgression et dans un désir qu’il ne soupçonnait pas. Cela le rend vivant mais le renferme dans une solitude.

L’idée de flirter avec le danger est quelque chose que je trouve important dans notre existence. Visiblement dans le film, c’est vraiment le moyen par lequel nous apprenons davantage sur soi et sur la vie en générale.

Souley Keïta : Est-ce que vous voyez dans le personnage de Christophe quelqu’un qui ne pourra jamais se relever tel un acrobate dont la chute a un risque d’être catastrophique ? Est-ce que nous voyons des êtres qui ne seront jamais complets ?

Sébastien Ricard : Absolument, même si je trouve que le personnage va avoir un détachement sur des choses qui le préoccupent. Ce n’est pas le même homme qu’au début de l’histoire. Nous le percevons, plus tard, dans le regard, dans la consistance de ce qu’il est.

Toutefois, je ne pense pas que l’on se remette d’un truc semblable. Ça me changerait définitivement, mais est-ce que cela me rendrait complet ou plus abouti, je ne pense pas.

 

Ce beau drame intimiste s’offrira à vous dès demain, vendredi 7 février 2020 dans votre cinéma préféré, La Maison du Cinéma.

 


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