Les maux du centro

2 mars 2020Yannick Pivin
Catégorie : Opinion

Les moyens mis en avant pour la revitalisation du centro sont-ils d’une autre époque ? Et peut-on parler de gentrification à venir ou d’un exode déjà programmé?

Je passerais sur la belle passe immobilière de la Wellington Sud (pas pour la ville) qui va nous amener de beaux bureaux pour gens qui s’occupent des gens d’affaires. Car de toute évidence les gens d’affaires ont commencé à se concentrer entre Jacques Cartier et la fin de la King Ouest. Cela pour des raisons simples: facilité d’accès tous transports confondus, gratuité des stationnements, la multitude de services offerts à proximité…

Mais au centre-ville aussi il y a cela ! Oui, petit Urbano-sapiens. Mais les gens qui viennent au centre-ville ne sont plus les mêmes et ne seront plus les mêmes, car durant ces 5 dernières années, la périphérie s’est nettement agrandie, l’étalement urbain de Sherbrooke a progressé de façon vertigineuse et continue. Aspirant par la même occasion les activités et les habitants du centre vers les extérieurs. Il ne faut pas prendre à la légère les départs ou les fermetures de boutiques ou de centres de services qui avaient pignon sur rue au centre-ville, même si d’autres boutiques viennent s’y installer. De plus en plus de panneaux de location ou de vente sont visibles et perdurent quand on se promène dans le centre. C’est un signe que les temps changent, que la mixité sociale a mal et qu’il faut donc anticiper. Je ne pense pas à une gentrification à court ou moyen terme pour la Wellignton et le Centro, car les attraits pour une gentrification ne sont pas encore présents et un élément majeur nommé « train de marchandises gâche » pas mal le rêve. La zone centre progresse plus dans un avenir de gens de passage que dans une population ancrée. Ce qui épuise peu à peu le noyau fort des habitants du centre et tend vers un avenir de quartier-dortoir.

La politique d’urbanisme (s’il y en a une) de la Ville pour son centre se focalise toujours trop sur l’automobile et sur son principe de quartier d’affaires comme moyen de consommer et de travailler et non sur une identité propre ou un rayonnement extérieur, sans chercher à offrir de réelle attractivité à sa propre population centrale et autres. La Ville se repose sur des lauriers piquants. Celui ou celle qui utilise son auto pour se rendre au Centro n’achètera pas plus et voire même moins que l’habitant du quartier qui peut déambuler librement à pied ou en vélo et viendra plusieurs fois par semaine. C’est une grave erreur de toujours penser ainsi bagnole. Les « auto-boulot » ne s’attardent plus. Car, souvent, eux-mêmes vivent en périphérie et cela compte le temps de retour.

La «gentrification» sherbrookoise aujourd’hui c’est davantage de passer de terres agricoles à de grandes zones résidentielles, commerciales et industrielles pour un pouvoir d’achat supérieur que de BOBO-iser le Centro. La Wellington au complet pourrait être une première pierre dans la revitalisation en devenant complètement et définitivement piétonne, cyclable et culturellement identifiable. Qui ne souhaiterait pas s’installer à une terrasse sans auto qui roule à proximité… Oui, il y a de belles choses comme les murales, la proximité des musées, des commerçants de qualité, un cinéma, un théâtre… mais un irritant empêche encore de faire WOW. C’est comme avoir les meilleurs ingrédients d’un gâteau, mais un seul mauvais gâche le tout. Je vous laisse une libre interprétation sur lequel est le mauvais.

Profitons encore du peu de temps qu’il reste aux habitants, commerçants et usagers du Centro pour ne pas les dégouter de leur choix et accentuer toujours plus l’exode en périphérie.

Pour cela, faut-il mettre fin à la construction de nouvelles zones commerciales, résidentielles et industrielles, faire avec ce que l’on a déjà, être plus ingénieux et pousser à la rénovation ?

Il faut donner envie aux habitants de se déplacer dans la ville en proposant un espace public de qualité, original et diversifié. Favoriser et faciliter le déplacement piéton en développant les alternatives à la voiture… Ne serait-ce déjà dans un espace restreint comme celui du Centro.

Allez ! Je dois vous quitter, mon micro bus électrique autonome part pour l’hôtel de ville.


Partager cet article
Commentaires