Retour au travail

2 mars 2020Hubert Richard

Je croyais rester sur le BS le restant de ma vie. À 51 ans, avec de jeunes enfants à la maison, ça me permettait de m’impliquer et de faire un peu de politique. Me revoilà de retour derrière un comptoir dans un dépanneur à 28h semaine, au salaire minimum.

Faut dire que dans le temps que j’avais mon propre dépanneur, j’étais jaloux des employé·e·s, car j’avais l’impression qu’ils faisaient plus d’argent que moi. J’en faisais 50 h pour en finir peut-être avec 1200 $ par mois, dont une bonne partie, c’était de la bière que je ramenais à la maison. C’est vrai que ce n’est pas beaucoup 28 h semaine au salaire minimum.

Ce qui est cool, c’est que j’ai maintenant une paie qui entre à toutes les semaines. Mais ça reste précaire. La personne que je remplace est comme en congé de maladie et pourrait théoriquement venir reprendre son poste selon les normes du travail. Du moins, c’est ce qu’en pense mon patron, un tantinet angoissé.

En tout cas, l’aide sociale n’a pas traîné pour me retirer mon chèque. Au début, le plan était de travailler juste les samedis matin. Quand je leur ai envoyé mon premier talon de chèque de 184 $, je ne m’attendais pas à ce qu’il me retire tout de suite mon aide sociale. Étant donné que nous avons le droit de gagner 200 $ par mois sans être coupé, je m’attendais à une lettre de félicitation avec une invitation à leur envoyer mes prochains talons de chèque. Ils préfèrent annuler illico mon chèque de mars, quitte à m’en faire un plus tard si l’ensemble de l’argent gagné en février aura été insuffisant. Autrement dit, pour éviter d’en donner trop et d’être pris pour réclamer plus tard, ils mettent fin à l’aide sans égard pour l’angoisse que cela peut créer.

Si c’est leur manière de nous pousser en bas du nid, et bien…  Ça fonctionne. Quand tu te fais dire qu’il n’y aura pas de chèque qui va entrer pour le prochain mois, tu deviens drôlement plus réceptif quand ton employeur te propose plus d’heures. Ce qui est chiant, c’est de te faire proposer plus d’heures, en sachant que cela va seulement servir à couper l’aide sociale. Entre le 200 $ de plus par mois et un horaire respectable qui te permet de doubler au moins le chèque d’aide sociale, il y a un certain bond, qui peut donner le goût d’hésiter. J’ai d’abord accepté de travailler dans le beurre. C’est-à-dire prendre des heures au-delà du 200 $ par mois. Fort heureusement, quand mon patron a su que je n’aurai pas de chèque en mars, je me suis fait offrir 28 heures semaine.

Cependant, je ne peux m’empêcher de penser à cette précarité. Cela n’aide en rien à sécuriser une personne désirant sortir de l’aide sociale. Auparavant, il te donnait un chèque de 500 $ pour t’encourager dans ton retour vers l’emploi. Maintenant, c’est simplement une lettre plate qui t’informe que Revenu Québec a peut-être de quoi pour toi avec son crédit d’impôt de prime au travail.

J’aimerais saluer ce jour de la femme avec une pensée pour notre députée de Sherbrooke, madame Labrie. Peut-on penser rendre plus humain l’accompagnement des personnes désirant sortir de l’aide sociale? Il me semble que le retour à l’emploi est suffisamment stressant que le Ministère de la solidarité sociale pourrait nous encourager en nous supportant financièrement pendant les trois premiers mois, le temps d’atteindre une certaine sécurité d’emploi. Ce serait la moindre des choses à faire. Cela éviterait la précarité aux femmes et aux hommes comme moi qui se sont habitués à la sécurité d’un chèque mensuel, même si c’est pas grand-chose.

Pour ce qui est de l’avenir de cette chronique… C’est une autre histoire! Évidemment, je compte bien continuer à vous raconter l’histoire du gars qui tripotait ses émotions. Souhaitez-moi au moins que ce retour au travail soit concluant. Qui sait? Cela vous encouragera à essayer un retour vous aussi?


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