ZOO

15 mai 2020Souley Keïta
Catégories : Cinéma , Culture

Un court regard sur… ZOO, 

Le cinéma ne tombera pas sous les coups, qu’il revête le costume du long-métrage ou tout simplement du court-métrage, ce cinéma parfois invisible, parfois bafouer,  et très souvent oublier.

Un art qui subsiste pour offrir aux gens, l’espace d’un court instant, une porte de sortie, une échappatoire, ou simplement, un réconfort. 

Une manière de se recréer pour oublier, un temps, notre réalité fréquemment triste, notre réalité amère ou notre brutale réalité. 

Une réalité brutale qui nous est dépeinte, à merveille, dans ZOO, le premier court-métrage de Will Niava, dont l’aisance scénaristique et le style visuel sont à surveiller dans les années à venir. 

Cet artiste complet Ivoirien et Ghanéen (scénariste, réalisateur, monteur) et qui vit depuis 10 ans à Montréal. Issu de la Mel hoppenheim School of Cinema à l’université de Concordia, Will Niava nous livre un puissant drame social, par le biais d’Amos, personnage qui veut, à juste titre, s’échapper des galères d’un quartier montréalais qui l’ont vu grandir, qui l’ont façonné. Couper le cordon est parfois une chose peu aisée et c’est ce triste constat que va connaître Amos dans ce huis clos sans les contours physiques. 

Outre la bonne prestation des quatre acteurs, la direction photo et la bande sonore sont également à souligner.

Le journal Entrée Libre s’est entretenu avec ce réalisateur d’avenir:

Souley Keïta : Lorsque nous regardons ton court-métrage, nous sentons sans cesse que le mouvement initie l’évolution, pourtant Amos, ton personnage principal, est amené à être statique alors qu’il veut évoluer. Pourquoi?

Will Niava : Les personnes qui se disent toujours « je m’en vais d’ici » sont souvent les personnes les plus liées à un endroit, les plus cimentés au sol. Ils ont besoin d’encouragements pour se motiver, que ce soit par un événement critique ou que ce soit par l’entremise des gens qui les entourent. Amos n’est pas bien entouré, car ses amis ne sont pas conscients des pensées qui animent Amos. Des amis qui sont dans leur monde et qui soulève une question, pourquoi Amos traîne avec ces gars? 

Le monde bouge autour de lui, tout se passe autour de lui et nous voyons Amos comme un sage qui vit dans une prison interne. Il y a aussi un autre côté d’Amos qui ressort de son background, il est un Africain qui est dans une place différente, qui parle différemment et qui ne ressemble pas à ses amis. Il y a cette impression qu’il est arrivé à cette place au-delà de sa volonté, forcé à être dans cette ville, forcé à être dans ce quartier sans avoir la possibilité d’évoluer. Il vit dans cette idée que le rêve de l’Occident et du changement de vie sont des vérités sans comprendre que c’est d’où nous venons que se trouve la liberté. 

Souley Keïta : Nous dénotons deux réalités, celle des deux comparses d’Amos coincés dans un zoo dont ils n’ont pas conscience et la réalité d’Amos qui ne se satisfait pas de cet Apartheid social. Est-ce que tu vois en Zoo, une cage dans laquelle le pouvoir politique enferme et maintient les gens dedans?

Will Niava : Tout à fait! Il y a cette prison interne où il ne parle pas trop, mais il y a aussi une autre prison avec la société qui l’entoure. C’est cet élément qui le garde dans cet espace-là. 

C’est un personnage qui a des responsabilités dans sa vie, que nous ne connaissons pas. C’est un personnage qui a des parents, que nous ne connaissons pas. On peut s’apercevoir que la raison pour laquelle il est toujours là est due à sa situation qui ne lui donne pas cette liberté. Sa situation est influencée par la politique, par son environnement, par la manière dont les gens le regardent, par la police. Je pouvais lui donner une voix, mais on laisse les autres parler pour nous. La situation où se trouve Amos est similaire, à de nombreuses et nombreux Africains. S’il parle, il va directement au cachot. S’il parle, il est déporté. 

Je me vois en Amos dans beaucoup de situations.

Souley Keïta : La mort est omniprésente dans ce film et notamment avec une référence au film Deadzone de David Cronenberg, est-ce que cela inaugure un futur où Amos est pris au piège?

L’image de ton affiche m’interpelle, car dans le regard d’Amos, on sait que son futur se passera avec cet homme.

Will Niava :  Le premier titre que j’avais pour ce film, c’était Deadzone. Quand Amos maintient le regard sur cet homme, il remarque que quelque chose se passe dans la vie de cet homme. Il voit son futur, car s’il ne part pas de ce coin, tout de suite, cela peut tourner mal.

Amos est un personnage qui est tellement enfermé dans sa vie et dans sa frustration qu’il ne voit pas le problème arriver. À ce moment-là, il a ce côté agressif qu’on ne lui connaît pas. À cet instant où il donne de la voix, où il parle, c’est là que tout peut changer, en bon ou en mauvais.

Zoo de Will Niava, n’a presque rien du court-métrage, excepté sa durée, car il met en lumière un très long héritage de brutalités policières, entre autres, mais également une trop longue histoire, amère, sur les séparations sociales ou ethniques. 

Une fois de plus, l’art se soustrait aux coups et au silence, Zoo est un des exemples qui montre que le cinéma ne se regarde plus les yeux fermés.


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