Sophie et ses hommes (Saison I, Épisode 2) : J’suis exigeante moi?

2 octobre 2020Sophie Parent

Y’A DES BOÎTES PARTOUT AUTOUR DE MOI. J’ME PRÉPARE UN DÉMÉNAGEMENT EN CATASTROPHE, PUIS C’EST PAS VRAIMENT LA SAISON POUR ÇA.

Sauf que là, j’ai pas le choix. J’peux pas me payer un aussi grand appartement rendue toute seule.

J’me perds un peu dans les détails. J’ai fait un plan des armoires de ma future cuisine; j’ai prédéterminé qu’est-ce qui irait où et j’ai donné un numéro à chaque boîte correspondant aux armoires. J’veux avoir le déménagement le plus facile possible. En même temps, la préparation me prend un temps fou.

J’essaye de me justifier, mentalement: Non, mais y’a tu quelque chose de plus fatiguant que de se faire demander à tout bout de champ qu’est-ce qui va où, quand tu déménages ? En numérotant tout, c’est réglé ! En plus, ça va nécessiter moins de monde ! Mes ami·e·s trouvent que c’est un peu obsessif, mais j’me convainc que j’vais être moins brûlée comme ça. Quelle ironie !

J’regarde l’heure sur mon téléphone. Va bientôt falloir que je lâche mes boîtes pour me préparer : j’ai une date, tantôt.

Quand on a matché, j’étais bien excitée. Ça a rendu réel pour moi le fait que j’étais rendue libre. Il me semble que la dernière fois que j’ai été célibataire, j’ai aimé ça et que j’ai eu beaucoup de plaisir à dater. Sauf que là, j’réalise que ça fait trois ans que j’ai pas été sur le « marché » des célibataires. Ça me stresse un peu. J’ai l’impression de ne plus connaître les codes. Est-ce que je dois faire fitter mes bobettes avec la brassière, just in case ?

Le gars avec qui j’ai matché, c’t’un enseignant, et je sais pas pourquoi, ça me turn on. J’ai l’a priori qu’il va être cultivé et que ça va être le fun.

Évidemment, j’arrive beaucoup trop d’avance à notre rendez-vous – j’suis quand même la fille qui organise ses armoires ! J’niaise sur mon cellulaire jusqu’à cinq minutes avant l’heure. J’veux pas avoir l’air de cette fille-là, t’sais. Mais j’veux quand même être un peu d’avance, pour montrer que je suis ponctuelle. J’en profite pour vérifier son nom et de quoi il a l’air, histoire de s’éviter un malaise.

Quand je rentre, il est déjà à une table et j’espère qu’il ne m’a pas vu niaiser les vingt dernières minutes dans mon auto. J’serais mortifiée. On se commande quelque chose, puis on commence à jaser. J’le trouve correct, sans plus, mais j’trouverais ça dommage de repartir toute seule. J’dois avouer que j’me force un peu.

Puis, je le questionne sur sa profession d’enseignant et je me rends compte que mon fantasme de coucher avec un prof devra attendre : non seulement il est encore aux études, mais il n’en est qu’à sa première session ! Ce gars-là n’a jamais remis les pieds dans une école secondaire depuis qu’il l’a quittée ! Ça me met un peu sur mes gardes, mais je lui donne une chance.

Rendue à ce point-ci de la soirée, y’a déjà des red flags – il aime beaucoup s’entendre parler, disons ! – mais je choisis délibérément de les ignorer. J’lui pose des questions sur ce qu’il fait en dehors de l’école et il me dit qu’il est cuisinier. Je persiste, j’espère encore marquer mon nouveau statut de célibataire en ramenant quelqu’un chez moi. J’me justifie en me disant qu’un gars qui cuisine, c’est plutôt sexy.

Honnêtement, pour mes objectifs personnels, j’aurais dû en rester là. J’me cherche pas un chum, j’ai pas besoin de tout savoir. Naturellement, j’ai voulu savoir où. Et quand il m’a répondu très vaguement que c’était pour une chaîne, j’ai insisté jusqu’à ce qu’il m’avoue du bout des lèvres qu’il travaille chez Burger King.

S’en suit un énorme silence malaisant où j’essaye de retenir ma face.

Burger. King.

Dans mon for intérieur, je me sens mal de le juger là-dessus. En même temps, travailler dans un fast food rendu à l’université, c’est rare. Voire suspect. D’habitude, le monde fuient ce genre de job à la première occasion. De toute façon, ce n’est pas tant le lieu de travail que l’impression de mascarade qui m’énerve. Ça m’a coupé toute envie de donner suite à la soirée. D’ailleurs, la discussion ne s’est pas poursuivie bien longtemps, avant que je demande ma facture.

Quand j’arrive chez nous, j’ai les hormones dans le tapis, puis j’suis frustrée d’être rentrée seule. J’cherche mon vibrateur, mais j’ai pas noté ça sur le plan de mes boîtes, évidemment ! J’les regarde et j’me dis que ce début de célibat ne sera peut-être pas aussi facile que ce que j’avais anticipé…

Chose certaine, il faudrait que j’investisse en sex toys d’ici à ma prochaine date, si j’veux m’éviter des déceptions.


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