Abandon de la réforme du scrutin électoral – Et maintenant, quoi ?

22 septembre 2022Jean-Sébastien Houle

Il n’est pas trop tard – il est même temps – de se mobiliser et d’interpeller nos candidat.e.s aux élections provinciales de 2022 pour que dans un futur proche notre mode de scrutin reflète ce que devrait être une démocratie à l’aube du prochain quart de ce siècle.

Pourquoi ?

«Pour que la composition de l’Assemblée nationale représente plus fidèlement la volonté des votes des électeurs.trices»; «Pour que tous les partis politiques obtiennent leur juste place à l’Assemblée nationale»; … voici plusieurs des raisons que vous pouvez lire sur le site du Mouvement démocratie nouvelle 1

Coït interrompu !

Le 16 décembre 2021, le gouvernement du Québec a abandonné le «Projet de loi n° 39, Loi établissant un nouveau mode de scrutin». Le gouvernement n’a pas rappelé ce projet de loi lors de la reprise de la session parlementaire en février dernier. Qui plus est, la Coalition Avenir Québec (CAQ) n’a pas l’intention d’inscrire une réforme sur le plan de la prochaine campagne électorale. 

Dans le projet de loi, il était question de tenir un référendum conjointement à l’élection de 2022. « En avril 2021, la ministre Lebel confirmait ainsi qu’il ne serait plus possible d’organiser un référendum à temps pour les élections de 2022. Le directeur général des élections avait prévenu que pour procéder, il aurait fallu que le projet de loi soit adopté avant juin 2021 »2. Pourquoi avoir ajouté cette clause au projet de loi alors que quatre des cinq partis, dont la CAQ, avaient, en mai 2018, signé une entente transpartisane pour déposer « un projet de loi pour l’adoption d’un scrutin proportionnel mixte compensatoire avec listes régionales » ? 

Dans une lettre adressée au premier ministre du Québec par les membres du conseil d’administration du Mouvement démocratie nouvelle (MDN), on peut lire que le conseiller politique du premier ministre aurait admis que ce sont les députés de la CAQ qui ne veulent pas aller de l’avant avec le projet de loi – maintenant… et dans les prochaines années.

Seuls Québec Solidaire, le Parti Québécois et le Parti Vert du Québec ont inclus l’ajout d’une composante proportionnelle (mixte) au mode de scrutin à leur plateforme électorale. Et à moins d’une bourde magistrale de la part de la CAQ ou de monsieur Legault, il est fort probable que la CAQ soit réélue aux élections prévues cet automne. L’agrégateur de sondage Québec125 estime, en date du 12 septembre, que la CAQ amassera 40 % des voix pour 80  % (100 des 125 sièges) en octobre prochain (https://qc125.com). C’est comme qui dirait un «spécial 2 pour 1» ça, non ? 

Plus récemment, le chef de la CAQ a même déclaré que la réforme du mode de scrutin « ça n’intéresse pas la population, à part quelques intellectuels». En dehors du caractère plutôt méprisant de cette affirmation, ne pourrait-on pas se demander ce que le gouvernement a fait concrètement depuis la fin de 2019 pour informer les Québécois.e.s sur l’impact de notre mode de scrutin actuel et des améliorations de représentativité qu’apporte l’ajout d’une composante proportionnelle ?

Des chiffres, des chiffres – on en veut encore ! !

Au 21e siècle, aucun des gouvernements majoritaires au Québec n’a réussi à gouverner avec plus de 46 % des votes. Rappelons qu’en 2018, la CAQ avait obtenu 37 % des votes, mais a formé un gouvernement avec 59 % des sièges. Depuis 1867, le pourcentage des sièges occupés est toujours supérieur aux votes reçus. Dans 18 des 42 élections, la moyenne est de 20 points ou plus 3 – on va peut-être battre un record cette année ! 

Indice de Gallagher

L’indice de Gallagher est fondé sur la différence entre les pourcentages de votes reçus et les pourcentages de sièges concédés à un parti à la suite d’une élection. Pour la majorité des pays utilisant un mode de scrutin mixte, cet indice demeure inférieur à 4,7 et la moyenne pour des pays tels que la Nouvelle-Zélande et l’Allemagne est de 2,7 depuis 1973 3. À l’élection provinciale de 2012, l’indice Gallagher se situait à près de 14 – semblable à celle de la Nouvelle-Zélande avant qu’elle passe à un mode de scrutin mixte.

Quelques mots sur le Mouvement démocratie nouvelle (MDN)

À l’initiative de la communauté, le MDN a été créé en 1999 « afin que la question du mode de scrutin ne dépende plus exclusivement des décisions des partis politiques. […] Depuis 2016, il pilote la campagne Chaque voix compte(C) qui a conduit à l’entente transpartisane » mentionnée dans cet article. 

Je vous invite vivement à consulter leur page Facebook https://fr-ca.facebook.com/DemocratieNouvelle afin d’en connaître davantage sur les différents modes de scrutin, les exemples trouvés dans le monde, des analyses des élections provinciales de 1867 à 2014 et plus encore. Et surtout, parlez-en avec vos candidat.e.s !


1 https://www.democratienouvelle.ca/pourquoi-une-reforme

2 Actualité, L’, 17 décembre 2017 “Legault abandonne la réforme du mode de scrutin” https://lactualite.com/politique/legault-abandonne-la-reforme-du-mode-de-scrutin

3 Analyse du Mouvement pour une démocratie nouvelle des élections générales québécoises de 1867 à 2014, (juin 2014) téléchargé du site web, présentement hors service, en mai 2022. 


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