Toutes et tous coupables – Partie II

3 octobre 2022Cassandra Boyer

Quelle place pour la responsabilité individuelle sur les lacunes que comporte le système de santé québécois?

Pour la première partie de cet article : Toutes et tous coupables – Partie I : Défaillances dans le système de santé québécois, un enjeu d’ordre structurel

Malgré les promesses faites par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis des décennies, on a jamais su sauver notre système de santé. Peut-être est-ce rendu à nous, le petit peuple, que revient le devoir de renverser la tendance ?   

 Dans la première partie de cet article, ce sont des causes structurelles de la détérioration du système de santé dont il était question. Mais, on peut ben chialer contre  «la bête» [la structuration du système de santé], c’est le fondement d’une société qui nous reflète. Suivant l’idée que personne n’est innocent, la suite logique est de se tourner vers la responsabilité individuelle des QuébécoisEs.

Parler de responsabilisation individuelle, c’est lourd. Nous sommes des êtres sociaux. La vaste majorité de nos comportements sont le résultat de notre socialisation. Étant adepte de sociologie cognitive, je crois en le pouvoir de l’humain à surpasser les acquis de sa socialisation. Mais, encore faut-il en avoir conscience.

Pour enfin régler ce problème, il faudrait transformer radicalement nos structures sociales. Considérant l’urgence d’agir, il est plus réaliste d’espérer une prise de conscience collective de la nécessité de changer nos comportements.

Mais, quel rôle jouons-nous dans ce problème clairement systémique? 

J’ai demandé à unE médecin du CIUSSS son opinion sur la nature du problème présent au sein du réseau. Ile a pointé les aspects plus structurels tels que ceux déjà nommés pour  rajouter que les patientEs ont aussi une part de responsabilité. 

Je dois lui donner raison. Ayant quelques problèmes de santé chroniques, j’ai constaté que nous prenons pour acquis que notre droit de recevoir des soins nous donne l’impression de pouvoir négliger notre santé. On se permet de ralentir le système en nous présentant à l’urgence pour un oui ou pour un non. Il faut commencer à prendre en considération que, malheureusement, si c’est notre droit, il en est de même pour nos millions de concitoyenNEs.

Soyons réaliste, «Selon le tableau de bord de la performance du ministère de la Santé et des Services sociaux, le réseau comptait 334 445 employés en date du 30 juillet 2022. » [1]

Ce nombre comprend l’entièreté des employéEs. Toustes ne travaillent pas 24/7. Avec une population de +/- 8.5 millions d’habitantEs, une population qui est vieillissante, donc de plus en plus malades, bien sûr que ça ne fait pas le poids! Alors, oui, c’est vrai, nous avons toustes le droit de recevoir des soins de santé, mais n’oublions pas que nous ne sommes pas seulEs. Arrêtons de prendre pour acquis que le système nous prendra en charge. Là, c’est tout le système qui s’effondre et ce sont des milliers de QuébécoisEs qui ne peuvent être prisEs en charge. 

À bien y penser, notre responsabilité dans ce dossier n’est pas tant d’être en cause que d’avoir la responsabilité de mettre en place des mesures visant à atténuer la crise. Nous sommes trop d’humains et vivons de plus en plus longtemps, pour maintenir ce rythme, il faut faire des sacrifices.  

En regardant les principales propositions électorales à ce sujet, on constate rapidement que, si l’individu ne met pas du sien, ces mesures seront inutiles. 

  • Le financement… C’est sûr que d’investir en santé, c’est essentiel.  Mais, d’investir pour créer de nouveaux lits ou garder des établissements ouverts plus longtemps, alors qu’il y a déjà un manque de main d’œuvre, est-ce des solutions adéquates à la situation actuelles. Notre tendance à surconsommer se reflète dans notre  consommation des services de santé, c’est pas l’temps d’inciter les gens à consommer davantage. C’est l’offre et la demande! 
  • Concernant les plans imaginés pour contrer le manque de main d’œuvre et réduire le taux d’absentéisme, j’ai l’impression qu’avant de donner des primes aux personnes choisissant d’étudier dans ces domaines pour former plus de personnel, peut-être vaudrait-il mieux commencer par réussir à garder le personnel qu’on a. Je ne dis pas qu’on ne devrait plus donner des bourses pour les étudiantEs dans ces domaines  Mais, j’ai l’impression que plusieurs choisiront ce domaine seulement pour une question d’argent, sans savoir à quoi s’attendre puis, une fois dans le réseau, le quitteront aussi vite qu’iels y sont entréEs. Elleux aussi on les prend pour acquis. C’est leur job. Iels l’ont choisi. Iels vont la faire.  D’autres, moins sensibles et ayant moins à cœur les valeurs humaies/relationnelles parviendront à rester. S’ensuivra les services qui viennent avec ! 
  • Finalement, la privatisation… Pourquoi risquer de causer encore plus d’inégalités alors que la littérature nous a déjà démontré ses conséquences sur la santé des moins nantis ? 
    «Plusieurs études indiquent que le système privé sélectionne globalement des clientèles moins lourdes, à la fois parce que les patients plus démunis n’ont pas les moyens de souscrire à une assurance privée et parce que ce système peut refuser de couvrir les personnes les plus malades. » (Directeurs de la santé publique, 2007)

Pour conclure, rappelons que, pour analyser les enjeux des services de santé en profondeur ou pour trouver des solutions durables, il faut considérer tant les causes structurelles que les responsabilités individuelles. Rappelons surtout que l’humain doit primer sur le profit. Si nous sommes le reflet de notre société, la société est, elle aussi, à notre image. Au même titre qu’elle nous façonne, nous pouvons la façonner. Peut-être est-ce ça, le pouvoir du peuple ?  

On s’en rejase dans 4 ans ! 


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