Buffet critique : tirer la langue

1 novembre 2022
Catégories : Buffet critique , Culture

La langue rapaillée, Anne-Marie Beaudoin-
Bégin, 2015

De 2015 à 2019, la linguiste Anne-Marie Beaudoin-Bégin, spécialisée en sociolinguistique historique du français québécois, nous a offert trois ouvrages de qualité sur le français québécois. Dans La langue rapaillée. Combattre l’insécurité linguistique des Québécois, elle détricote le sentiment d’insécurité linguistique en présentant le français québécois comme une variété de langue légitime, dans toute sa complexité, avec toutes ses variations, pour laquelle les locuteurs ont un droit de regard. Dans La langue affranchie. Se raccommoder avec l’évolution linguistique, elle livre un vibrant appel à embrasser le changement linguistique, en cessant notamment de craindre des emprunts à l’anglais. Puis dans La langue racontée. S’approprier l’histoire du français, elle nous enjoint de prendre possession de l’histoire du français. Cette trilogie a un message commun : la langue appartient aux gens qui la parlent, et nul ne devrait se sentir lésé dans son identité à cause de sa manière de parler.

Délier la langue, Mireille Elchacar, 2022

La linguiste estrienne Mireille Elchacar est une passionnée de langue française. Dans son premier essai Délier la langue. Pour un nouveau discours sur la langue française,elle propose une réflexion sur les anglicismes et sur l’orthographe française. Par rapport aux anglicismes, elle démontre bien en quoi nos pires craintes sur leur menace sur le français québécois n’ont pas de fondement scientifique : ils sont moins nombreux qu’on le croit, plusieurs sont éphémères, le français au Québec est aujourd’hui encadré par des lois linguistiques, etc. Par rapport à l’orthographe, laquelle est distincte de la langue, elle dénonce sa grande complexité causée par le fait qu’elle respecte trop peu le principe alphabétique (à chaque son d’une langue doit être associé un symbole lui étant exclusivement réservé). Elle plaide ainsi en faveur d’une sérieuse révision pour améliorer l’orthographe française. Au final, Mireille nous invite à pousser plus loin notre réflexion collective sur notre langue. C’est réussi!

États d’âme, états de langue, Marty Laforest, 2007

Sociolinguiste et analyste du discours, Marty Laforest est professeure titulaire à l’UQTR, et s’est principalement fait connaître pour son essai États d’âme, états de langue. Dans celui-ci, elle démonte quelques mythes tenaces à propos du français parlé au Québec. Notamment, concernant la pauvreté du langage, l’usage répété de contractions et de diphtongaisons, la disparition du vouvoiement et la fameuse question de l’usage des anglicismes. L’autrice désire ainsi remettre les pendules à l’heure concernant les discours alarmistes sur l’état de la langue, en ramenant plutôt des arguments linguistiques de l’avant et avançant que le français parlé au Québec se porte plutôt bien, tout en ayant sa propre couleur ! 

Écrit en réponse à la crainte de « créolisation » du Québec exprimée par George Dor dans son essai Anna braillé ène shot (1996), cela ne peut que nous rappeler les propos récents tenus sur la place publique concernant un risque de « Louisianisation » du Québec. Comme quoi, plus ça change, et plus c’est pareil !


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