L’IA et le futur

1 février 2023Sylvain Vigier
Catégories : Éditorial , Opinion


« Do androids dream of electric sheep ? » (Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?), c’est le titre original du livre de Philip K Dick publié en 1968 et qui donnera l’adaptation cinématographique « Blade runner » en 1982 par Ridley Scott. Dans un Los Angeles futuriste (campé en 2019, soit le vrai turfu des années 70/80), la société Tyrell Corporation produit des androïdes d’apparence humaine, les réplicants, pour réaliser les tâches les plus difficiles et dangereuses de l’humanité. À la suite d’une révolte des réplicants, ceux-ci sont considérés comme dangereux et l’humanité charge les blade runners de les détecter parmi la population et de les détruire (tuer ?). 

Le titre du livre est un résumé parfait des questions que l’auteur se posait sur « l’humanité » que pourrait obtenir de telles créatures (empathie, sentiments, amour…) et que l’on commence à se poser aujourd’hui avec l’arrivée, réelle et non fantasmée cette fois, de l’intelligence artificielle (IA) dans nos vies. On parle ici, comment ne pas en parler, de la mise en ligne de ChatGPT, un « agent conversationnel à intelligence artificielle » développé par la société états-unienne OpenAI (Wikipédia). De nombreux articles ont été écrits dernièrement sur les capacités de cet outil informatique à répondre de manière ordonnée, crédible et argumentée à des questions complexes, et cela dans plusieurs langues. Des chercheurs ont même pu constater que ChatGPT pouvait leur proposer des questions de recherche solides et bien formulées. C’est donc bel et bien un nouveau monde qui s’ouvre.

« Un éditorial est un genre journalistique qui donne à savoir la position ou le point de vue de l’éditeur ou de la rédaction d’un média sur un thème d’actualité » (Wikipédia, la source de référence de l’éditorialiste). Oui mais voilà, l’éditorialiste manque de motivation, d’intérêt, d’inspiration, et remplir sa demi-page lui porte peine. Alors il se tourne vers ChatGPT pour faire la besogne. « Dis moi ChatGPT, c’est quoi ChatGPT ? Quelles sont les conséquences sous-jacentes à ton utilisation?  Répond à la question en 700 mots » (dire « merci » donne-t-il une meilleure réponse?). 

En sommes, ce nouveau venu dans le monde numérique et câblé nous pose à nouveau la question de « qui sommes-nous? » et « à quoi servons nous ?  ». Si je peux demander un éditorial à une machine, à quoi me sert de penser ? De réfléchir ? De tenter d’organiser et de restituer une certaine vision du monde. Vision du monde qui m’est personnelle, mais que je souhaite partager dans ces lignes soit pour nourrir le débat, soit pour convaincre les agnostiques, sceptiques ou même les récalcitrants.

I’m afraid, Dave

Pour être honnête, je ne souhaitais pas parler de ChatGPT. Je ne souhaitais pas envisager la limite d’une telle machine : ChatGPT a -t-il /elle une opinion, un point de vue ? ChatGPT a-t-il/elle grandit à la campagne ou à la ville, dans quel pays ? Quelle école secondaire, quelle université? La guerre, c’est mal, oui ? Mais la guerre en Ukraine, c’est bien non ? Quelles que soient la pertinence et la véracité des faits et données colligés par une machine, on ne peut accepter un texte sans savoir d’où il vient. L’enjeu n’est pas le mensonge mais le prisme. Que pense ChatGPT ? Est-ce un résumé de tout ce que l’on trouve sur l’internet ? Est-ce la vision de ses concepteurs de chez OpenAI qui ressort lorsqu’on l’interroge ? ChatGPT peut-il penser par-lui-même, comme les réplicants de K Dick ou HAL9000 de Kubrick ? Comment faire confiance à l’opinion dont on ne peut savoir sur quelles bases elle s’est construite ?

En fait, je souhaitais parler d’environnement et de changements climatiques. Oui, comme toujours. Même mieux, je souhaiterais ne parler plus que de ça dans l’éditorial. Simplement parce que selon moi, individu avec son parcours et sa sensibilité, c’est la question fondamentale que doit traiter actuellement l’humanité. Pas besoin d’interroger l’intelligence artificielle pour savoir comment lutter contre les changements climatiques, comme le fera à l’avenir un étudiant acratopège ou un éditorialiste fainéant, le GIEC a déjà colligé et évalué un nombre considérable de travaux de recherches à ce sujet. 

Mais ChatGPT, lui/elle, a-t-il/elle peur de vivre dans un monde réchauffé de plus de 2°C ? Vous pouvez nous transmettre sa réponse, nous la publierons. 


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