Le racisme systémique au cœur de la tempête

Catégories : Droit , Racisme , Société , Travail

C’est avec indignation que nous avons appris la censure gouvernementale d’une formation contre le racisme destinée aux employé·e·s du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Le module visé par la censure cherchait à démystifier le racisme systémique. Sur cet enjeu, nous tenons à rappeler à la population quelques faits incontournables.

Le 24 novembre 2022, les chercheuses Suzy Basile et Patricia Bouchard déposent au gouvernement du Québec le rapport « Consentement libre et éclairé. Stérilisations imposées de femmes des Premières Nations et Inuit au Québec ». En guise de conclusion des Faits saillants, on y lit : « Force est de constater que l’analyse des témoignages recueillis dans le cadre de la présente recherche, juxtaposée aux conclusions de récents travaux de recherche menés sur les enjeux auxquels font face les Premières Nations et les Inuit dans les services publics au Québec, converge vers un constat clair, soit la présence de racisme systémique. »

Le 7 octobre 2021, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) du Québec publie une déclaration où elle « tient à affirmer clairement que le racisme systémique existe au Québec, comme dans les autres sociétés, et à réitérer que pour combattre un phénomène de nature systémique, il faut proposer des solutions systémiques et structurelles. »

En novembre 2020, le Conseil des Atikamekw de Manawan et le Conseil de la Nation Atikamekw déposent aux gouvernements du Canada et du Québec le mémoire intitulé « Principe de Joyce », qui lance de nombreux appels à l’action pour garantir la sécurité et la dignité des communautés autochtones dans les milieux de la santé et des services sociaux. Parmi les actions concrètes, on peut y lire : « le gouvernement du Québec doit reconnaître le racisme systémique auquel sont confrontés les Autochtones, notamment en lien avec un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé ».

Le 30 septembre 2019, le rapport final de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec : écoute, réconciliation et progrès, présidée par l’honorable Jacques Viens, est déposé. L’enjeu du racisme systémique est la pierre angulaire de l’analyse et des conclusions du commissaire pour qui « il semble impossible de nier la discrimination systémique dont sont victimes les membres des Premières Nations et les Inuits dans leurs relations avec les services publics ayant fait l’objet de l’enquête ». Afin d’expliquer le contexte sociohistorique qui perpétue le racisme systémique, le rapport de la Commission met en évidence l’héritage colonialiste, les préjugés, les stéréotypes et les actions gouvernementales morcelées et non pérennes.

À la lumière du rapport final de la recherche Basile-Bouchard, de la Commission Viens, des appels à l’action du Principe de Joyce et de la déclaration de la CDPDJ, pour ne citer que ceux-ci, les constats sont sans équivoque. Il est inacceptable que l’État intervienne pour bâillonner une formation qu’il a lui-même commandée pour sensibiliser et lutter contre le racisme au sein de son administration, sous prétexte que le racisme systémique y est abordé. Non seulement il y est abordé, mais il fait partie du contrat signé entre les parties en 2021, de même que des versions finales approuvées par un comité de personnes expertes en 2022.

Il est irresponsable de la part d’un gouvernement de mettre en péril la dignité et le respect des droits de sa population riche d’une diversité grandissante. Le gouvernement agit selon une idéologie politique partisane et cultive un terreau fertile pour taire les expériences des communautés vivant des discriminations majeures dans les multiples sphères de notre société.

La situation actuelle nous rappelle l’importance de la solidarité et des mouvements sociaux pour faire avancer un projet de société où les droits humains de toutes les communautés sont réalisés avec dignité, reconnaissance et respect de nos différences. Nous saluons toutes les personnes et groupes de la société civile qui œuvrent jour après jour pour contrer les impacts néfastes et destructeurs du racisme systémique. Dans toutes les tempêtes, vos actions donnent espoir et éclairent le chemin de la justice sociale.


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