Sherbrooke et le rapprochement interculturel

7 juin 2023Benoit Viel
Catégories : Communautaire , Société

Un peu plus tôt au printemps, sur le coup d’une curiosité dévorante et de mon attitude d’investigateur j’ai creusé la piste d’un organisme municipal, soit l’Initiative Sherbrookoise en Développement des Communautés (ISDC).

L’ISDC a plusieurs mandats et missions, mais celui qui m’intriguait le plus était le rapprochement interculturel. J’ai donc pris mon courage à deux mains et j’ai écrit à l’organisme pour obtenir une entrevue et discuter plus amplement du concept. Un courriel de Rouka Abdoulaye m’est parvenu et une entrevue a suivi au Café Baobab.

Madame Abdoulaye est responsable du dossier de l’immigration à la ville de Sherbrooke. Elle m’explique d’office que ses tâches sont à plus large échelle et qu’elle les définit comme macro. De concert avec une collègue à l’ISDC, elle a la charge de faire le lien avec le ministère de l’Immigration avec lequel la Ville a une entente, mais pas seulement. Comme Sherbrooke a le titre de Cité interculturelle, elle a également la charge de programme à titre de coordonnatrice et en lien avec le Conseil de l’Europe. Sur le site officiel de ce dernier, on m’apprend qu’ils forment « la principale organisation de défense des droits [humains] et comprend 46 États membres, dont les 27 États membres de l’UE. » Au Canada, il n’y a que deux villes qui sont nommées ainsi et la seconde est Montréal. Elle ajoute finalement être agente d’accueil pour le réseau d’accueil estrien, ici à Sherbrooke. Ce dernier a la charge de « faciliter l’installation des nouveaux résidents dans notre région ». 1

Il y a quatre orientations au cœur même de la mission que se donne la ville aux termes de l’immigration et l’intégration des nouveaux arrivants, au cœur même de son travail. Madame Abdoulaye nous les définit comme ceci : «Accessibilité, Prestation des services de la Ville, Lutte contre le racisme et les discriminations, Concertation et mobilisation du milieu et Rapprochement interculturel et vivre ensemble.» Ce dernier se définit et se distingue au Québec, par rapport au restant du pays, via la comparaison avec le multiculturalisme. Et voici la nuance : le multiculturalisme implique la coexistence de plusieurs cultures. Cependant, il ne fait pas la place à des échanges positifs qui pourraient mener à des influences et à un vivre ensemble franc dans les espaces qui nous sont donnés, comme le café Baobab, là même où l’entrevue a eu lieu et qui organise toute l’année des activités en tous genres et de tous horizons. C’est là qu’intervient l’interculturalisme. Du préfixe inter- est dérivé le mot interaction, nous fait-elle remarquer. À cette fin, l’interculturalisme nous invite à sortir de nos bulles individuelles pour entrer en relation avec l’autre et prendre le temps de faire connaissance.

Pour réussir ceci, la ville organise chaque année la Semaine sherbrookoise des rencontres interculturelles (SSRI). La 10e édition aura lieu cet automne. Sherbrooke est la seule ville au Québec à avoir calqué cette activité sur celle de même nature, mais à l’échelle du Québec et qui se déroule au même moment. Madame Abdoulaye souligne du même coup, l’appréciation que les gens ont pour cette semaine durant laquelle s’opère 50 activités promues par les organismes communautaires de la région, comme le Service d’aide aux Néo-Canadiens, parmi d’autres. Surveillez le dévoilement de la programmation et de la thématique!

En plus de permettre le rapprochement interculturel entre les personnes immigrantes et la communauté d’accueil, le but de la semaine est de réunir sous un même chapiteau « tous les organismes qui interviennent de près ou de loin dans l’écosystème des personnes immigrantes soit en employabilité, en accueil, en francisation et en lutte contre le racisme et les discriminations » pour bénéficier du portevoix qui leur est ainsi donné et remettre au centre de la conversation la personne immigrante. L’instance de la SSRI permet par la bande, un réseautage entre les acteurs du milieu et ainsi, une meilleure orientation des personnes immigrantes entre les services et organismes qui sont voués à les aider.

Si mon premier objectif d’entrevue était de parler du travail de terrain fait par l’ISDC, il va sans dire que j’ai été agréablement surpris et impressionné par la position progressiste que se donne la Ville de Sherbrooke en matière d’accueil et d’intégration. Tout ça alors que les seuils d’immigration reviennent dans l’actualité.  

Le deuxième objectif que je m’étais donné, c’était celui d’informer et de réengager le lectorat dans la communauté. Madame Abdoulaye souligne que, selon une personnalité française, la municipalité est et demeure le seul appareil politique « à portée de gifle » pour le citoyen moyen. Et c’est vrai chaque fois que la municipalité manque à ses devoirs et obligations. C’est là qu’il importe d’avoir une personne assez près de la population pour permettre les échanges et les poignées de main entre la communauté d’accueil et ceux qui viennent s’y établir. Sherbrooke n’est donc pas un monstre bureaucratique froid qui se contente de récolter des taxes et réparer des viaducs. La Ville s’est donné les moyens de répondre aux besoins d’accueil et d’intégration des principaux intéressés. J’espère que vous en aurez appris autant que moi lorsqu’on dit que Sherbrooke est Cité interculturelle et se démarque à l’échelle du continent en adhérant aux principes d’Égalité, de Diversité et d’Interaction2 du Conseil de l’Europe, visant à construire la cité interculturelle, et ce, au même titre que Barcelone parmi d’autres.

Surveillez la programmation de votre café de quartier. Je soupçonne que le Baobab n’est pas le seul à organiser des échanges et des influences positives dans la ville. Parce que ma curiosité est insatiable et si les étoiles veulent bien s’aligner, le travail de terrain de l’ISDC fera l’objet d’une entrevue ultérieurement. Restez informé·e·s!


1 Cantonsdelest.ca   Consulté le 28 avril 2023

2 Conseil de l’Europe, « La Cité interculturelle pas à pas : Guide pratique pour l’application du modèle urbain de l’intégration interculturelle »https://rm.coe.int/0900001680301909 Consulté le 27 mai 2023


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