Travailleurs étrangers exploités chez BRP: le politique doit agir !

Date : 13 mars 2023
| Chroniqueur.es :
Catégories :

Le 21 février dernier, une excellente enquête du journaliste Thomas Deshaies de Radio-Canada a permis de mettre en lumière la réalité de 160 travailleurs mexicains exploités et abusés par BRP de Valcourt qui ont fait appel à des employés de leurs usines de Querétaro et de Ciudad Juárez au Mexique pour contrer la pénurie de main-d’œuvre… 

Pourtant, il y aurait eu une récente vague de licenciement de travailleurs chez BRP. Comment est-ce possible de mettre à pied des personnes employées de l’entreprise et en même temps alléguer une pénurie de main-d’œuvre ? L’entreprise se défend en prétextant que les employés mis à porte ne répondaient plus aux attentes de l’entreprise, quelle coïncidence…

Les sommes perçues par BRP pour payer les frais près de 60 % de leur salaire serviraient à couvrir les frais d’hébergement, de transport, de repas, de divertissement, cela représente environ 2 000 $ par mois par personne employée. Ce qui est illégal, immoral et nettement abusif.

La dénonciation des cas d’abus concernant les travailleurs étrangers temporaires ne cesse d’augmenter. N’allez pas croire que cela est à la cause de la COVID ou de la pénurie de main-d’œuvre. Cela existait bien avant, et malheureusement, certains employeurs se comportent comme au temps de l’esclavagisme où les personnes qui travaillent pour eux étaient considérées comme un bien ou un actif de leur compagnie. 

Oui, ils sont payés, mais ils sont sous-payés dans bien des cas et font de très nombreuses heures et des semaines où les normes concernant le temps supplémentaire ne sont pas appliquées et payées, ainsi que les congés. 

Oui, ils sont hébergés, mais à plusieurs personnes dans des conditions atroces et déplorables avec de nombreux lits superposés dans des chambres grandes comme un placard, sans salon pour se reposer, sans une cuisine digne de ce nom et une seule salle de bains avec peu ou pas d’eau chaude pour se laver. Le chauffage est souvent inadéquat et il y a de la moisissure.

L’accès à une main-d’œuvre étrangère semble être un vrai buffet ouvert pour des employeurs peu scrupuleux qui y voit la possibilité d’avoir sous la main une main-d’œuvre, précaire, servile, docile, captive et ignorante de ces droits.Si seulement nous pouvions nous cacher la face en prétextant que nous n’étions pas au courant.

Le phénomène des cas d’abus, d’agression, de préjugés, de discrimination, de violence, de viol et bien d’autres est bien documenté qu’on pense à l’excellent documentaire « Essentiels » produit récemment ou « Los Mexicanos — le combat de Patricia Perez » tourné dans les années 200 ou au film « Les aides domestiques, des esclaves modernes » qui ont tous montré la face cachée de la migration économique. 

Nous avons mené une campagne en 2010 « Les travailleuses et les travailleurs migrants, une question de dignité ! » et effectué une tournée des député(e)s dans plusieurs régions du Québec pour les informer et les sensibiliser à leur réalité et trouver des solutions. Nous avons remis un document avec 18 recommandations à mettre de l’avant pour améliorer leurs conditions de travail et de vie. Ce n’est donc pas parce que le milieu politique n’est pas au courant que les choses persistent toujours…

On peut comprendre que des employeurs vivent des problématiques de recrutement et puissent avoir recours à une main-d’œuvre étrangère, faute de trouver preneur, mais pas au détriment de leurs droits, pas en abusant, pas en exploitant, pas en maltraitant, pas en leur refusant le même traitement que les autres personnes employées. 

L’exemple de BRP choque, mais on réagit vivement sur le coup et cela retombe dans l’oubli et la situation perdure. Le politique doit se mouiller. Si nos gouvernements acceptent que des personnes viennent travailler ici dans le cadre de différents programmes et par le biais d’agences de recrutement, ils doivent leur garantir une vie digne et décente. 

Il faut vérifier avant d’accorder des permis sur les intentions et les besoins réels de l’entreprise (pas de la substitution d’emploi ou une voie de contournement des obligations et des lois) octroyer des permis ouverts pour que les personnes puissent quitter leur employeur abusif et trouver un autre emploi, déterminer clairement leurs conditions de travail (salaire, prélèvements permis par la loi, durée du temps de travail et temps supplémentaire, congé payé, etc.) et de vie (hébergement, nourriture, frais de transport, accès à des médecins en cas de blessure ou d’accident de travail, arrêt des confiscations de passeport, etc.).

Ça prend des inspections spontanées pour l’état des lieux (milieu de travail et de vie).

Ça prend un suivi sur les heures de travail effectuées (il y a des cas où l’on rapporte avoir travaillé 2 ans sans aucun congé) et une garantie que les personnes reçoivent leur dû pour les heures et les congés et leur droit à des périodes de repos.

Ça prend des formations à leur arrivée pour les renseigner, les informer et les aider à comprendre les ressources existantes et les recours éventuels.

Ça prend un accès à des personnes interprètes dans leur langue pour les accompagner au besoin lors de visite médicale, pour le dépôt de plainte, etc.

Ça prend un registre connu et accessible des employeurs ayant été reconnu coupable d’infraction.

Ça prend la volonté politique de mieux encadrer l’utilisation des différents programmes existants et des suivis serrés, des inspections, etc.

Ça prend le courage politique de retirer aux employeurs fautifs le droit d’avoir recours à ces programmes à vie et de leur faire payer des amendes substantielles lorsqu’ils sont reconnus coupables, ainsi que de vérifier ce qui se passe dans les agences de recrutement et d’assurer une vigilance sur les méthodes employées et les dérapes possibles.

Ça prend une intention réelle de reconnaître leur apport essentiel à la collectivité par les biens et services que ces personnes produisent ainsi que de favoriser leur intégration en leur permettant de pouvoir vivre et s’établir ici. Alors là et seulement là on pourra parler d’une migration économique réussie sans porter le poids d’une culpabilité face à notre inertie collective. 

« Dernière heure : Le gouvernement a tendu l’oreille… En effet, le 1er mars, le ministre du Travail, M. Boulet, a fait des annonces importantes concernant le programme des travailleurs temporaires qui prennent en compte certaines de nos revendications. C’est un pas dans la bonne direction et nous suivrons le dossier de près ! »

Partagez :

facebook icontwitter iconfacebook icon

À lire aussi du même auteur :