Accès à la culture

Date : 14 décembre 2013
| Chroniqueur.es : Alexandre Demers
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À une époque pas si lointaine, on trouvait assez facilement tous les films qu’on voulait dans nos quartiers. Lorsqu’un film à gros budget paraissait, on pouvait le voir au cinéma du coin. Un film de série B sortait, il était souvent présenté dans le même cinéma ou dans une salle encore plus obscure.

De nos jours, ces minuscules salles ont laissé leur place aux méga-complexes de divertissement où les plus grandes productions hollywoodiennes côtoies les jeux d’arcades et les formats géants de boissons gazeuses. Pour les autres films (les films indépendants ou étrangers – souvent filtrés avec minutie par les distributeurs), on doit se replier sur les rares salles indépendantes existantes en sol québécois. La Maison du Cinéma de Sherbrooke entre dans cette catégorie.

Toujours dans la même époque pas si lointaine, on pouvait mettre la main sur des perles rares du septième art dans les petits et grands clubs vidéo existants à Sherbrooke. L’ère du VHS avait cet avantage : l’absence d’internet et l’énorme diversité de films disponibles faisaient en sorte qu’on trouvait (quasiment) tout ce qu’on cherchait près de nous. Et tout cela à bas prix. Pour n’importe quel cinéphile (et j’entends ici peu importe le revenu moyen), il était facile d’avoir accès à la culture cinématographique sans avoir à payer un abonnement mensuel et des frais d’accès au réseau. Le cinéphile moyen avait besoin d’une télévision, d’un magnétoscope et d’un club vidéo près de chez lui. Les prix de locations variaient selon la chaîne et l’indépendance du club.

Aujourd’hui, on peut retrouver la même diversité au centuple grâce aux Internets, et, parfois, grâce à certains fournisseurs de télé par câble / satellite. C’est ici que le bât blesse puisqu’en laissant l’accès à la culture entre les mains d’une poignée de fournisseurs Internet ou de télévision, on met en péril la démocratisation de la culture. J’entends ici que le saut de la location physique de film vers le numérique s’est fait si rapidement que la population en général n’a pas pu suivre. On peut dire la même chose au sujet du marché des livres, de la musique et des magazines.

Les pirates maboules

Au cours de la dernière année, on a pu voir des institutions telles que le club vidéo Beaubien et le Septième fermer leurs portes. Il en va de même pour le géant Blockbuster ou les nombreuses succursales du Superclub Vidéotron. Qui a t’on blâmé pour cette perte ? Les pirates qui copient sans cesse tous les films pour les rendre disponibles sur leurs réseaux illicites. Le tout, gratuitement ! Bien sûr, les club vidéo, compte tenu de leurs coûts d’opérations et du tarif de locations n’ont pas pu être de taille devant Internet. Avec autant de commerces qui disparaissent, voilà une raison de plus pour s’attaquer avec acharnement aux pirates. Pourtant, ce n’est pas d’hier que, dans le plus grand secret de leurs caves, des pirates branchaient leurs magnétoscopes entre eux pour copier leurs films favoris et les revendre à leur entourage.

Lorsque l’on cherche un moyen de redonner à la population une diversité convenable de films, on met le pied dans un cercle plutôt vicieux. On doit faire face non seulement à des compagnies énormes qui contrôlent le contenu mais aussi l’accès à ce contenu. Pour les plus téméraires, Vidéotron offre la connexion internet et télévision, en plus d’offrir quantité de films sur son réseau sur demande Illico. Pour les autres, il y a Netflix, qui offre une grande diversité de films en ligne, en échange d’un abonnement très avantageux.

D’un côté comme de l’autre, le cinéphile doit payer pour avoir droit à l’un ou l’autre des réseau, sans compter les coût liés à l’achat d’une télévision compatible, du décodeur (le réseau numérique fait en sorte que l’on n’a plus accès gratuitement aux bonnes vieilles ondes), ou d’un ordinateur en mesure de lire les vidéos.

Alors qu’aujourd’hui il est devenu (quasiment) essentiel d’être connecté à Internet, on se pose la question suivante : comment se fait-il que tout citoyen n’ait pas accès gratuitement aux Internets ? Pourquoi ici laisse-t-on l’accès au réseau entre les mains d’une poignée de compagnies ? Une fois ces questions résolues, on pourra possiblement cesser de blâmer les pirates car ceux qui font mains basses sur la culture sont bel et bien ces compagnies.

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