Salut Pino !
La première fois que je t’ai rencontré, c’était lors d’une exposition consacrée à tes œuvres chez Art Focus, en 2010.
J’ai tout de suite été touché par ton travail, mais aussi par l’humain que tu étais. Tes œuvres, composées d’éléments naturels, branches, pierres, souches, cornes de bœuf, bois de cervidé, plumes ou encore métal recyclé, portaient déjà ta signature singulière : celle d’un artiste en symbiose avec le vivant.
Par ta démarche et ta quête, toi le recycleur d’artéfacts, tu as laissé derrière toi une œuvre écologiste et profondément humaine. Des œuvres en quête du cosmos, traversées par une sensibilité spirituelle qui trouvait naturellement écho dans l’art autochtone. Toi qui avais d’ailleurs fabriqué tamtams et capteurs de rêves. Parfois moderne, lorsque tu explorais la résine d’époxy. Parfois plus brute, plus primitive. Mais toujours guidé par une recherche de sens, par une lumière intérieure que l’on retrouvait dans tes magnifiques lampes à la fois chics et archaïques, à ton image : en quête, habité, sincère.
Tu aurais tellement aimé faire connaitre davantage ton travail. Tu avais de la reconnaissance dans le regard de celles et ceux qui croisaient ton chemin, mais cette reconnaissance ne se traduisait malheureusement que trop peu en ventes. Comme pour bien des artistes d’ailleurs. Tes œuvres touchaient pourtant à quelque chose d’essentiel. Elles incarnaient ce retour à la nature, à la sobriété, à une forme de spiritualité enracinée, bref, exactement ce dont notre époque a désespérément besoin. À l’image de la crise écologique, qui ne semble toujours pas éveiller suffisamment de consciences pour changer le cours des choses, ton art est resté trop souvent incompris ou invisible aux yeux du marché. Tes œuvres ont pourtant une portée visionnaire. Elles nous parlaient d’un autre rapport au monde, d’un lien sacré à réparer.
Mais fidèle à ta grande générosité, tu as fait don de plusieurs pièces, et certaines personnes, heureusement, ont su en reconnaitre la valeur et ont choisi d’en acquérir, sensibles à la beauté et à la force tranquille de ton travail. Mais au fond, ce qui compte, c’est que tu as vécu ta vie comme un artiste libre, sans compromis, avec intégrité. Et ça, ça laisse une trace. Une marque. Une lumière.
Tu sais, depuis plusieurs années, je me disais que j’allais finir par t’acheter l’une de tes lampes. Que je t’en parlerais simplement, que je te proposerais de te payer en deux ou trois versements. Tu aurais souri, comme tu savais si bien le faire, et tu aurais dit oui. Mais pour moi, ce n’était pas qu’un geste de reconnaissance. J’avais envie de m’éclairer un peu avec ta lumière. De l’avoir avec moi, dans mon quotidien, comme une présence bienveillante, un clin d’œil discret à ta sensibilité unique.
Vieux sorcier sympathique et chaleureux, c’était toujours un plaisir de croiser ta route, Pierre. Inspirant, profondément. Tu avais été clown pendant plusieurs années, ce qui t’a mené, nez rouge au visage et grand cœur en bandoulière, jusqu’au Kosovo en 2000, sous la bannière de Clowns sans Frontières.
Toujours volontaire pour t’impliquer, pour agir, pour essayer de réparer un peu ce monde qui te préoccupait. Merci, Pierre.




