Le Big Bang à chaque seconde : apprivoiser le magma intérieur

15 novembre 2025

Performance hybride

Au Grand-Espace du Centre des arts de la scène Jean-Besré, le 14 novembre 2025, Le Big Bang à chaque seconde de Franchanteur (François Louis Laurin) s’est imposé dans un solo intimiste et participatif, qui a vu le jour grâce à une campagne de sociofinancement. Ce spectacle s’inscrit dans un projet de médiation culturelle, offert dans les écoles secondaires jusqu’à mars 2026. Théâtre d’objet, musique, danse-mouvement, masque et poésie se conjuguent pour transformer une crise personnelle en leçon de vie.

Dans un rituel qui rappelle le qi gong, l’artiste commence par s’ancrer. Le public sait qu’il n’est pas là pour « regarder un show » en position passive, il est engagé physiquement, invité à ressentir le « magma », ce concentré de vie logé dans le bassin. C’est là que se joue le Big Bang, chaos intérieur qui menace d’exploser, et qui contient aussi la possibilité d’une (re)naissance.

Le texte aborde sans détour la honte, le besoin d’être vu, la quête d’un amour inconditionnel envers soi-même, y compris pour sa part d’ombre. La musique est omniprésente, parfois si forte qu’elle entre littéralement en compétition avec la voix. Un choix assumé qui peut déstabiliser, car certains mots se perdent, mais le débordement sensoriel a quelque chose de galvanisant.

Élégance brute

Bien que le spectacle puise dans une période d’instabilité émotionnelle de son auteur, il ne glisse jamais dans le misérabilisme. Le gout prononcé de François Louis pour le symbolisme, sa signature, lui permet de prendre un risque lorsqu’il s’adresse avec passion à un bracelet représentant… sa partenaire. Un masque est laid à faire peur lorsque l’artiste le porte, il est pourtant bercé comme un enfant lorsqu’il tombe. Ce geste fait basculer la proposition du côté de la tendresse : s’aimer soi-même, c’est aussi apprendre à accepter ses failles, ces choses en nous que nous refusons de voir.

Le Big Bang à chaque seconde n’est pas que monologue, c’est aussi un grand party. Des corps se lèvent pour danser, certains se transforment en statues humaines, un spectateur incarnant le mot « flamboyant » vole la vedette le temps d’une séquence jubilatoire. La chorégraphie Kung Fu Fighting déclenche les rires, tandis que l’exercice rythmique autour des mots « écrire, jouer, vivre » agit comme un mantra collectif, imprimant l’idée que se raconter, créer, interpréter sont des actes de prise de pouvoir.

Une performance hybride avec une telle dimension participative pourrait surprendre, voire déranger. Justement, il s’agit de se mettre en mouvement et d’inventer sa propre chorégraphie. Cette création, portée par une foi contagieuse en la puissance de l’art pour nous aider à nous réconcilier avec nous-mêmes, se savoure comme le jus d’une orange fraichement pressée. Jusqu’à la dernière goutte !

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