Vivre et laisser vivre

Date : 27 avril 2019
| Chroniqueur.es : Sylvain Bérubé
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La religion. Les croyances et les pratiques religieuses. C’est à la fois très intime et également profondément liée à l’histoire de l’humanité et à notre vie collective actuelle. J’ai envie de partager mon cheminement personnel et des réflexions sur le sujet.

Du catholicisme à l’athéisme

Né en 1979 de parents ayant rejeté le cléricalisme mais pas nécessairement les croyances ni certaines conventions religieuses, j’ai grandi dans la foi catholique. Je suis baptisé. On allait à la messe à Noël, aux baptêmes, aux mariages, aux funérailles, parfois à Pâques. Mon grand-père paternel nous bénissait en famille au nouvel an. J’ai fait ma première communion et ma confirmation, avec quelques séances préparatoires de pastorale les samedis matins. Je priais de temps en temps au coucher, parfois pour exprimer de la gratitude, souvent pour calmer des angoisses.

En secondaire 3, dans mon cours de religion, j’ai été exposé pour la première fois à une remise en question des dogmes de la religion catholique via un camarade de classe qui challengeait notre enseignante, celle-là même qui avait bashé l’homosexualité. C’est aussi cette année-là que je me suis initié à la mythologie grecque, découvrant ainsi une autre réalité intersubjective (construction collective imaginaire), différente du catholicisme, pour expliquer des phénomènes cosmiques et sociaux. J’étais de plus en plus exposé à des discours questionnant ou rejetant l’existence de dieu, par exemple dans les chansons de Bad Religion («but I’ll believe in God when one and one are five») et dans les écrits autobiographiques de Hubert Reeves. Finalement, mon attrait grandissant envers la science comme façon d’interpréter et de comprendre le monde ont complété cette rupture avec le religieux: à 18 ans j’étais agnostique, à 20 ans athée.

De l’athéisme radical à l’ouverture

Dans ma vingtaine, j’étais en forte réaction contre toutes les religions, qu’elles soient grandes ou petites, ouvertes sur le monde ou sectaires. J’en avais contre ces institutions antidémocratiques, misogynes, homophobes, aveugles devant les vérités scientifiques, déconnectées ou réactionnaires sur différents enjeux sociaux, aliénantes pour des populations entières («l’opium du peuple»), etc. J’adhérais alors au néo-athéisme à la Richard Dawkins et si tu avais des convictions religieuses, je te jugeais un peu.

À l’automne 2006, j’ai suivi un cours de maîtrise intitulé «Étude du phénomène religieux». Des lectures sur la théorie de la religion de Émile Durkheim ou encore sur le désenchantement du monde de Max Weber m’ont particulièrement interpellé. En étudiant la religion sous des angles sociologique et anthropologique, j’en suis venu à m’intéresser à ce qui motive la croyance religieuse chez un individu et chez un peuple. Ça origine d’où? Ça répond à quel besoin? Ce changement de perspective m’a mené à avoir nombre de discussions enrichissantes sur le sujet.

Dans ce processus d’ouverture aux croyances des autres, j’ai rencontré plusieurs croyants profondément engagés pour la justice sociale et adoptant une posture critique face aux institutions religieuses. Au passage j’ai aussi appris l’existence de la revue Relation, publiée par le Centre justice et foi, un centre d’analyse sociale progressiste fondé et soutenu par les Jésuites du Québec, réalisant ainsi qu’il existe des dissensions idéologiques au sein même des institutions religieuses. Tout ça m’a réconcilié avec les convictions religieuses des autres, adoptant du coup une posture du «vivre et laisser vivre» sur ces questions, tout en demeurant très critique envers l’orthodoxie, l’intégrisme, le fondamentalisme, l’obscurantisme. Si quelqu’un prie dix fois par jour et porte une croix ou un voile en tout temps pour être mieux connecté sur sa foi, grand bien lui fasse.

De mon côté, je réalise avoir développé ces dernières années une certaine spiritualité laïque et humaniste. Entre autre, la philosophie tian di ren (terre, ciel, humanité) résonne en moi.

«Être pleinement humain signifie de forger des liens entre la terre et le ciel, la forme et le vide, la matière et l’esprit. Notre humanité s’exprime dans la profondeur et la tendresse du cœur qui se trouve à l’intersection de ces deux pôles. Le but essentiel de la pratique spirituelle est de nous libérer de l’attachement à une structure conditionnée étroite, que nous appelons égo, de sorte que nous nous rendions compte que nous sommes quelque chose de beaucoup plus grand.»

La religion et l’État

À l’heure actuelle, la place des entreprises dans l’État me questionne autrement plus que celle des religions. Cela dit, je souhaite une séparation nette entre les institutions publiques et les institutions religieuses.

Au Québec, des avancements en ce sens ont été réalisés au moment de la révolution tranquille. Si un gouvernement souhaite poursuivre la laïcisation de l’État, il peut retirer la croix de l’Assemblée nationale. Il peut aussi mettre fin aux subventions des écoles confessionnelles ou aux exemptions de taxes foncière, municipale et scolaire des institutions religieuses. Ce serait également cohérent que la cheffe de l’État ne soit pas la plus haute autorité de l’Église anglicane comme c’est le cas actuellement, ou minimalement qu’on ne demande plus aux député·es de lui prêter serment. Je serai un allié d’un tel gouvernement.

Par rapport au projet de loi 21 de la CAQ, je suis contre. Pour le dire simplement, j’adhère à l’idée que c’est à l’État d’être laïque, pas aux individus. Ceci me place dans le camp de Charles Taylor, d’Amnistie internationale, de la Fédération des femmes du Québec, de la Ligue des droits et libertés et de la Fédération autonome de l’enseignement, et dans le camp opposé à bien d’autres groupes et individus pour qui j’ai également un immense respect. Je n’étais pas fixé sur ces questions il y a quelques mois, et j’imagine que ma pensée pourrait encore évoluer, comme celle des autres d’ailleurs.

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