À BOIRE ET À MANGER: LES VOYAGES

Date : 9 juin 2020
| Chroniqueur.es : Sylvain Vigier
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L’USAGE DU MONDE
NICOLAS BOUVIER, 1963

Ce fut, probablement, l’âge d’or du voyage. Le moment dans le monde où les moyens de transport mécaniques étaient suffisamment robustes pour vous emmener loin, et les peuples encore riches et naïfs de leur exotisme. Nicolas Bouvier et Thierry Verney embarquent en juin 1953 à Genève dans une Fiat 500 – Topolino pour prendre la route des Balkans et de la Perse jusqu’aux frontières du Pakistan où s’achève ce récit de voyage un an et demi après leur départ. « Nous avions deux ans devant nous, et de l’argent pour quatre mois » écrit avec insouciance et excitation Nicolas, assis dans un café de jeunes artistes à Belgrade, la capitale de la Yougoslavie communiste de Tito. Sur leur route ils croiseront la musique des Tziganes, les champs de pavot et les montagnes du Monténogro et du Haut plateau arménien avec des écosystèmes de peuples et de cultures. Avec sensibilité et acuité, férocité et ferveur, ce texte pourrait être le dernier témoignage d’un Orient à la fois contemporain mais encore indifférent à l’Occident. D’un monde d’on l’usage n’entrainerait pas l’appauvrissement et la détérioration.

L’AUTOMNE À PÉKIN
BORIS VIAN, 1947

Rarement, on vit désert si peuplé et encombré. Tellement qu’on décida d’y construire une ligne de chemin de fer. Pour aller « là-bas », pour ceux qui viendraient de « par-là ». Tout ça à cause d’Amadis Dudu, qui prit le bus 975 pour se rendre au travail. Mais aussi pas mal à cause du chauffeur du bus 975, qui roula droit devant lui pour finalement marquer son arrêt dans le désert d’Exopotamie. Industrieux de nature, Amadis Dudu n’allait pas rester là à attendre le bus de retour, surtout que le chauffeur s’était entiché d’une femme à la peau d’ébène et du nom de Lavande. Autant construire une gare, et y faire passer un train, ça pourra toujours dépanner Athanagore Porphryrogénète et son chantier archéologique. De nombreux protagonistes suivront la voie de chemin de fer et viendront se perdre en bonne compagnie dans le désert, espérant soigner un mal intérieur qui les ronge. Nous sommes chez Boris Vian, et le voyage se fait avec chaque mot, directement dans les cœurs de tous les personnages, sans jamais voir l’automne tomber sur Pékin.

HMS BEAGLE, AUX ORIGINES DE DARWIN
FABIEN GROLLEAU ET JÉRÉMIE ROYER, 2018

Il y eu Charles avant Darwin. La figure légendaire à la barbe de patriarche de la théorie de l’évolution a fait un long voyage exploratoire et initiatique pour murir sa conception du monde du vivant et ainsi révolutionner les Sciences. En décembre 1931, Charles Darwin s’embarque à 22 ans sur le HMS Beagle pour un tour du monde de 5 ans et le verra explorer les cotes atlantique et pacifique de l’Amérique du sud ainsi que l’Océanie et l’Afrique du Sud. Cette bande dessinée se veut bien plus un carnet de voyage romancé qu’une biographie réaliste. Son découpage, avec des planches pleines pages, expose comme Charles les découvre l’incroyable diversité de formes de la « création ». Les couleurs riches et légères des crayons de couleurs apportent le raffinement et la subtilité qui sont nécessaires pour appréhender la richesse du monde vivant. Le velouté des planches fait vivre le gout doux-amer de l’excitation du jeune Charles naturaliste et la révolte du futur Darwin humaniste confronté au racisme et à l’esclavage. Ou comment un voyage peut construire un homme.

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