L’ANNIVERSAIRE

Date : 7 mars 2021
| Chroniqueur.es : Sylvain Vigier
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Ma chère COVID, c’est à ton tour, de te laisser parler… Non. Difficile de parler d’amour à celle qui a couté déjà tant de vies et de détresse à travers le monde. Celle qui nous force à nous tenir éloignés et masqués, nous empêche de nous rassembler, nous autorise à nous promener pour un nombre d’heures limité. Déjà un an que le gouvernement du Québec décidait un confinement généralisé pour endiguer la propagation du virus SARS-CoV-2 et la saturation de son système de santé. Cette décision avait fait l’effet d’un choc, mais on n’imaginait pas que l’on serait toujours pris dans la même situation et toujours aux bords d’un nouveau confinement un an plus tard. La production de plusieurs vaccins, prouesse incroyable il faut le rappeler, ne suffira probablement pas à nous sortir de l’ornière en 2021 plus tant les problèmes logistiques d’une vaccination à l’échelle mondiale sont énormes.

C’est également l’anniversaire de la flambée des promesses d’un « autre Monde » qui devait émerger. Il semblait, à l’époque, que le confinement nous avait reconnecté à « l’essentiel », au moment où nous perdions l’accès au superflu. Que les « anges gardiens » des services de santé, mais aussi les travailleurs et les travailleuses de « première ligne c’est-à-dire tous les « damnés de la Terre » du quotidien : les travailleurs agricoles (et leurs légions de travailleurs étrangers exploités et précaires), les travailleurs des chaines de production et d’approvisionnement, ceux et celles qui travaillent dans la restauration à emporter, tous et toutes méritaient des conditions salariales et de travail à la hauteur de leur rôle dans notre vie de tous les jours. L’objection facile est de dire que ça n’est pas le moment, en pleine période de crise économique, de revoir notre politique du salaire minimum et des bas salaires en général. Mais la controverse des vacanciers de Noel dans les tout inclus du Sud montrent bien que ça n’est pas la crise pour tout le monde.

Dans une Tribune publiée dans Le Devoir du 15 février, le Président du Conseil du patronat du Québec, organisation qui regroupe les plus grandes entreprises du Québec ainsi qu’une majorité des associations patronales sectorielles, déplorait que le niveau de maitrise du français soit si bas au Québec que plus du tiers des employeurs avaient rejeté au moins une candidature parce que la personne n’avait pas les compétences suffisantes en français ». Il rappelait également la statistique effrayante d’un taux d’analphabétisme fonctionnel de 53 % au pays et proposait comme remède « d’encourager le gout de la lecture ». C’est gentil, mais nous aimerions lui suggérer une autre approche, en lien avec la solidarité que s’est exprimée lors du premier confinement et ce soi-disant « retour à l’essentiel ».

Un moyen efficace et reconnu pour lutter contre l’analphabétisme et le décrochage scolaire est d’avoir plus d’enseignants pour encadrer et soutenir les élèves en difficulté. Et si le Patronat ne poussait pas constamment les décisions politiques vers moins de fiscalité pour les entreprises, moins d’impôts pour les hauts salaires, moins de taxation sur les revenus boursiers, le ministère de l’Éducation disposerait d’un budget conséquent pour lutter contre le décrochage scolaire qui fait verser des larmes de crocodile aux chefs d’entreprise. L’Agence du revenu du Canada évalue que l’optimisation fiscale détourne 7,5 milliards de dollars chaque année du budget du gouvernement du Canada. À nouveau, il faut rappeler à nos « chers » entrepreneurs, que la justice sociale ça n’est pas l’aumône, mais une répartition équitable des richesses produites. Et si l’investisseur et le gestionnaire a légitimement droit à sa part, les millions de salarié.es qui font le travail méritent une part tout aussi grande. Nous ne construirons pas un monde différent si nous ne revoyons pas à la racine nos échelles salariales et fiscales, et plus généralement notre définition de la « richesse ». Si chacun de nous a cru à un « nouveau Monde » post-COVID, alors donnons-nous les moyens de le bâtir. Par des salaires décents pour tous, et un impôt qui pose clairement une limite à l’indécence. « More is better » est une impasse mortifère qui se fait toujours sur le dos d’un.e autre.

Crédit photo: Marco Verch

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