Sophie et ses hommes (Saison II, Épisode 5) : Amour de félins

Date : 28 février 2022
| Chroniqueur.es : Sophie Parent
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C’est avec un Albert contorsionné sur mon oreiller et un Frédéric qui ronronne doucement à mes pieds que je m’éveille. Je me redresse brusquement, provoquant ainsi un miaulement contrarié.  

J’émerge d’un drôle de cauchemar et serre mes chats contre moi, pour me rassurer. 

Depuis que je les ai, je me sens curieusement protégée. C’est l’une de ces superstitions qui ne me quitte pas, même si je sais très bien que deux félins ont très peu de pouvoir sur mon intégrité physique. 

C’est que mon premier chat, Albert, a été adopté dans les mois suivant ma séparation. Mon ex était terriblement allergique aux animaux, plus particulièrement aux chats. Son adoption a donc été un geste très affirmatif pour moi, comme la garantie qu’il ne pourrait plus jamais remettre les pieds dans ma demeure ni dans ma vie.

Peut-être était-ce aussi un geste inconscient, mais j’ai par la suite remarqué qu’un bon nombre de personnes qui me rendaient mal à l’aise semblaient aussi partager cette allergie ou ce dédain chats. Soudainement, je me retrouvais moins souvent à avoir affaire à elle, ou à avoir à les recevoir chez moi.  

Plus tard, le chat a aussi permis de limiter le temps passé avec un partenaire un peu plus énergivore, voire parfois envahissant et générateur d’entropie.

Albert est devenu une espèce de talisman, ainsi. 

Puis, les conquêtes se sont enchaînées.

S’iels ne pouvaient pas supporter le chat, c’était fini. 

Longtemps, je me suis crue protégée par l’amour que mon chat portait à mes invité·e·s. Pour les vrai·e·s, celleux qui voulaient rester malgré les yeux rouges et le nez qui coule, j’me suis même improvisée « pusher » d’antihistaminiques.  

Le seul bémol, c’est qu’en mon absence, Albert s’ennuyait et faisait des bêtises. J’ai donc adopté Frédéric, par la suite. 

S’il discrimine moins les amant·e·s qu’Albert – une gâterie et quelques caresses suffisent à l’acheter – il n’en demeure pas moins qu’il est arrivé dans ma vie au bon moment : un amoureux avait avancé l’idée qu’on emménage ensemble, et je m’étais sentie étouffée, rien qu’à l’idée. Il avait aussi mentionné le fait qu’un seul chat, c’était bien assez et qu’il ne pourrait pas vivre avec plus d’un félin.  

À postériori, je crois que je ne me sentais pas prête, et que je cherchais à tester l’amour de l’autre. À voir s’il resterait quand même, pour un chat supplémentaire.  

Je suis consciente que j’entretiens une croyance particulière, face à mes chats. Je sais bien qu’il s’agît d’une superstition que mon subconscient a emmenée un peu plus loin, à coup d’actes manqués. Pourtant, le sentiment ne me quitte pas.  

Mon cauchemar était d’ailleurs à ce sujet : J’ai rêvé que mes félins n’aimaient pas l’une de mes conquêtes, que je persistais à voir. Ultimement, celui-ci s’est d’ailleurs transformé en loup, comme de raison. Il rôdait autour, et Albert l’attaquait tandis que Frédéric restait à mes côtés.

C’est donc avec l’angoisse de ne pas les avoir écoutés que je me suis réveillée. Aussi, avec la conscience que cette superstition est faillible et qu’elle ne garantit rien.  

Je me retourne donc pour voir que les chats semblent aussi heureux de se blottir contre l’homme qui est à mes côtés. Albert semble même particulièrement heureux de pouvoir se frotter le visage sur sa barbe, tandis que Frédéric ronronne de plus belle. 

Superstition ou pas, il faut croire que celui-ci risque de rester. 

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