Sophie et ses hommes (Saison III, Épisode 1) : Toponymie romantique

Date : 29 août 2022
| Chroniqueur.es : Sophie Parent
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À chaque mois d’août, c’est pareil : j’essaie de me dire que la prochaine rentrée sera la bonne ; celle où je serai tellement organisée que je ne vivrai plus aucun stress. C’est généralement le moment où je me lance dans une frénésie d’achats de post-its et de cahiers supposés révolutionner l’organisation de ma vie entière.

Bref, c’est l’équivalent académique d’une résolution du jour de l’an.

Cette année, je croyais avoir réussi à me défaire de cette fâcheuse manie, mais ça m’est finalement arrivé sans crier gare : Je flânais sur Wellington Nord, quelques heures avant une date, et ai laissé tout bonnement mes pieds m’entraîner à la boutique Joséphine — très grave erreur, je sais.

Tout au fond de la boutique, je me suis laissée aller à fouiner au travers les cartes de souhaits, les bougies et les carnets jusqu’à ce que je tombe sur un cahier souple, format de poche et avec un beau papier de qualité. Le genre de cahier de type Moleskine qui rend un peu chose les poètes et les écrivain·e·s.

C’est sur cette trouvaille que ma nouvelle obsession est née : le cahier à picots.

Pour les non-initiés, il s’agit d’une manière d’organiser son horaire qui soit plus souple et créative qu’un agenda. C’est une façon pour moi d’allier mon amour des listes, de l’organisation et de l’esthétisme.

En rentrant chez moi, j’ai donc passé quelques heures à gribouiller joyeusement dans mon nouveau cahier, à me créer un index, une table des matières, une légende et à insérer une panoplie de liste de souhaits, de tâches, de dates importantes, d’idées d’écriture et de souvenirs entre ses pages.

Ça m’a tellement absorbée que j’en ai presque oublié ma date. J’ai couru prendre une douche, et ai fait aussi vite que je pouvais pour me préparer et me rendre, mais suis quand même arrivée en retard. Très en retard.

Il avait déjà commandé et avait l’air fâché. Oups.

J’ai essayé de détendre l’atmosphère en expliquant la raison de mon retard, puis ma nouvelle obsession. Ça n’a pas semblé le dérider ; il m’a plutôt répondu que je n’étais pas obligée de m’inventer des excuses.

Ça a créé un silence pesant. Re-oups. 

Même le serveur sent que l’atmosphère est lourde et ne s’éternise pas en posant mon verre devant moi.

On a chacun tenté de relancer la conversation, mais ça n’a pas très bien fonctionné. Sa mauvaise foi a fini par me tomber sur les nerfs, à la longue.

Nul besoin de préciser que l’on n’a pas convenu de se revoir. J’ai rapidement fini mon verre et demandé la facture, avant de quitter promptement.

Évidemment, un malheur n’arrive jamais seul :

En rentrant chez moi, j’aperçois d’abord deux félins qui me regardent, immobiles. Puis, je vois mon nouveau cahier qui git ouvert au sol et comprends ce qui vient de se passer. Visiblement, les félidés comprennent qu’ils se sont fait prendre en flagrant délit, car ils se dépêchent d’aller se cacher respectivement sous le lit et sur le frigo.

Pour la forme, je les chasse quand même, avant de tenter d’évaluer l’ampleur des dégâts : les coins sont mâchouillés et la couverture est désormais texturée par des traces de griffes.

Fuck. J’avais pas pensé que le faux cuir était une texture irrésistible pour mes minets. J’m’en veux de l’avoir laissé traîner.

Pendant que j’examine encore un peu mon cahier, penaude, une page se détache. C’est une liste que j’avais faite un peu plus tôt, intitulée « Toponymie romantique », et qui contient simplement les sept points suivants :

  • Rue Winter ;
  • Rue Peel ;
  • Rue London ;
  • Rue Galt Ouest ;
  • Rue du Conseil ;
  • Rue des Jonquilles ;
  • Rue Wellington Nord.

Ça me fait sourire, car je me rappelle y avoir listé les lieux de Sherbrooke que j’ai associés à des amoureux·ses, des fréquentations ou des rendez-vous manqués. J’imagine qu’il faudra que je vous revienne sur cette liste, prochainement.

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