Chronique du Vivant : Habiter un coin de la planète

1 juin 2025

« Alors, d’un côté, il y avait notre lutte pour obtenir de l’argent et du temps à nous, qui constituait un terrain obligé ; mais, de l’autre, nous devions aussi lutter sur un terrain différent pour ne pas laisser la partie adverse (le capital) toute l’initiative de la définition de « quel monde » et de « quelle vie ». »

Habiter un coin de planète, en commun, sur le Ndakina. J’écris ces lignes et ce journal est distribué sur une partie de ce vaste territoire ancestral non cédé de la nation W8banaki. Les études évaluent que la nation rassemblait autour de 10 000 à 20 000 individu.es au début du 17e siècle. Aujourd’hui il y a environ 3000 W8banakiak (Abénakis.es). C’est ici qu’ont été recueillis les sites archéologiques autochtones les plus anciens au Québec. La première présence humaine dans ce coin de planète marqué par l’importance des bassins versants du Ndakina sur le plan de l’occupation du territoire et des déplacements des W8banakiak. Notamment, la rivière Saint-François et la rivière Magog qui forment le lieu de Sherbrooke, pendant des siècles appelé Kchi Nikitawtegwak signifiant « Grandes Fourches ».

Sherbrooke et l’urbanisme hors-sol

Aujourd’hui, le cadre de référence a beaucoup changé. Sherbrooke rend un hommage éternel à un gouverneur colonial britannique du 19e siècle qui n’a jamais mis les pieds ici…On dit que la ville est située au carrefour des autoroutes 10 et 55 après avoir eu sa première renommée par rapport au chemin de fer dans une première « gloire » industrielle de la ville. Ou bien encore on décrit la ville comme près des frontières É.-U. Encore une fois, des architectures complètement mortes, hors-sol.

Quand je parcours cette ville, à pied et en vélo, je vois un territoire urbain bétonné avec une présence imposante, bruyante, dangereuse, de milliers de véhicules, souvent avec une seule personne. Et de plus en plus de façon immobile aux heures de pointe. Oui, il y a des quartiers avec de beaux parcs, des accès aux rivières et plus d’arbres matures.

Mais regardez également la quantité phénoménale de concessionnaires, de garages et lieux de réparation de ces tonnes de plastique et de métal qu’on appelle des chars, mais qui sont aujourd’hui plus des petits camions. À 90 % du temps inutilisé. De nouveaux services au volant sont construits en 2025 (allô la Terre!), comme dans les nouveaux développements de la 12e av. et de la 610 ou celui du boulevard industriel et René-Lévesque. Remarquez nos points de repère. Vous voyez de la vie ? Est-ce que dans 200 ans, dans sept générations, ces lieux serviront à quelque chose ? Pourrons-nous boire cette eau de notre bassin versant et ne pas subir trop les changements climatiques ? Des questions qu’au conseil municipal on ignore la plupart du temps en criant « Enfin! »  comme Danielle Berthold pour le développement de l’Est…

Résistances, luttes et alternatives pour habiter autrement

Habiter un coin de planète, ça dépasse la stricte question du logement pour tout le monde et en même temps en fait une exigence pour une écologie sociale qui valorise les communs plutôt que l’argent à court terme. Pas de profits sur nos logis! Socialisons le parc de logements locatifs! Pour des habitats vivants et en santé! En ce sens, je vous invite à participer aux activités de l’Association des locataires de Sherbrooke qui mobilise et informe sans relâche. Aussi, il y a le CHEAP (Centre d’histoire, d’éducation et d’anarchivage populaire) situé au 187 Laurier qui cartographie les évictions et la gentrification du centre-ville. En tissant des liens avec le monde concerné d’en bas. Pendant que le plan d’urbanisme veut poursuivre la « dynamisation » du centro, beaucoup la vivant la qualifie de déplacement forcé des classes populaires.

Le documentaire Le Dernier Flip, démarchandiser l’immobilier, disponible gratuitement sur tout.tv, nous donne de l’air frais en s’inspirant des fiducies communautaires hors marché. En soulignant que c’est par la lutte, l’organisation et la mise sur pied des projets et du monde que nous voulons que nous pourrons ébranler les colonnes des plates certitudes capitalistes qui ruinent la vie et brûlent nos habitats depuis deux siècles ici. Comment les premiers colons arrivés dans la région ont trouvé le territoire ? Était-il pollué, avec des zones mortes ? Quand nous reconnaissons le territoire du Ndakina, pensons à cet aspect et voyons qu’en 225 ans ce qui est advenu de Sherbrooke, de l’Estrie. Réparons au plus vite nos relations avec le vivant pour que nous puissions vivre, tout simplement!

Cultiver une petite parcelle c’est un bon passe-temps en ce sens. Je vous conseille en ce mois de juin de semer en succession par exemple après une récolte de radis et de laitues, pourquoi pas démarrer des carottes ou des betteraves.

Cultiver sans pesticides, c’est apprendre continuellement à prendre soin et découvrir la beauté du vivant dans toutes ces interactions. Être humble et émerveillé. En jardinant cet été, pourquoi ne pas écouter le balado Des Rachel qui changent le monde  ? C’est un projet réalisé par Vigilance OGM et Pivot Média soulignant 60 ans de science, de nature et de lutte contre les pesticides, en rendant hommage au livre culte Printemps silencieux de Rachel Carson. À travers une enquête citoyenne faite de rencontres de 10 femmes de science engagées aux quatre coins du Québec, nous découvrons avec fiches et balado cet enjeu qui touche à la fois l’agronomie, la biodiversité, la politique, le droit, la santé et surtout, notre rapport à la nature. 

 

 

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