Climat : une loi pour obliger Trudeau à respecter sa cible de 2030 Canada : 32 ans de promesses non respectées

Date : 22 mai 2022
| Chroniqueur.es : Martin Lemmens
Catégories :

+2,9 à 3,2°C, c’est l’augmentation de la température mondiale prévue selon les engagements actuels de la communauté internationale selon  le GIEC.  Au Canada où le réchauffement est près de 2 fois plus élevé que sur l’ensemble de la planète, ce serait +5 à 6 C°. Et en Arctique, encore plus. Et ceci, c’est si tous les engagements de Paris sont tenus, ce qui ne sera pas le cas, en commençant par le Canada.

Le 4 avril 2022, António Guterres, secrétaire général de l’ONU, mentionnait lors de la publication du dernier rapport du GIEC que « le monde s’achemine rapidement vers la catastrophe. »  Pour l’expliquer, il mentionnait à propos des promesses de plusieurs gouvernements et compagnies : « C’est un dossier déshonorant, un catalogue des promesses creuses qui nous mettent résolument sur la voie d’un monde invivable… Pour le dire simplement, ils mentent… C’est ce qui résultera de nos politiques énergétiques actuelles, nous dit la science. Nous sommes sur la voie d’un réchauffement climatique de plus du double de la limite de 1,5 degré (Celsius) » qui a été convenue à Paris en 2015, a ajouté le chef de l’ONU.»

Ces paroles s’adressent directement à certains pays, dont le Canada. Justin Trudeau fait partie de ce groupe des menteurs qu’il pointe du doigt. Ne nous leurrons pas, Trudeau a depuis son arrivée au pouvoir privilégié le développement des énergies fossiles plutôt que la diminution de nos émissions de gaz à effet de serre. Comment pourrions faire confiance à un gouvernement qui :

– n’a respecté aucune de ses cibles antérieures;

– vient d’accepter le projet d’exploitation d’un nouveau gisement de pétrole, celui de Bay du Nord; 

– dit que la production pétrolière canadienne va augmenter jusqu’en 2032;

– mise sur la baisse de la demande mondiale des énergies fossiles pour voir la production canadienne diminuer.

Qu’arrivera-t-il avec un réchauffement de 2C?

Devant le constat que les actions des gouvernements ne suffiront pas à limiter le réchauffement à 1,5°C, plusieurs parlent de limiter le réchauffement à 2°C. Mais nos dirigeants ne nous parlent pas des conséquences de ceci. Steven Guilbeault en est totalement conscient. Sans l’avouer publiquement, la décision du gouvernement Trudeau d’accepter une augmentation de la production canadienne de pétrole jusqu’en 2032 montre clairement qu’il accepte ce passage de 1,5 à 2°C de réchauffement.

En 2015, pour la première fois, les températures mondiales moyennes ont dépassé les 1°C, et ceci par rapport à la période préindustrielle. En dépassant ce seuil (illustration 1), nous sommes passés de la zone de sécurité (en vert) à la zone de danger (en jaune). Nous sommes maintenant au milieu de la zone de danger et nous assistons à un plus grand nombre et à une plus grande intensité des catastrophes climatiques. À mesure que nous avancerons dans cette zone jaune, les canicules et autres catastrophes augmenteront, se multiplieront et s’intensifieront selon les climatologues.

Si nous dépassons le 1,5°C, nous entrons dans une zone de hauts risques (en rouge, illustration 2). 

Entrer dans cette zone, c’est entrer dans l’inconnu. Et cet inconnu, c’est, même pour les scientifiques, ne pouvoir répondre à des questions telles que les suivantes :

– Qu’arrivera-t-il de la forêt amazonienne? Le grand scientifique de cette forêt, Carlos Nobre, a calculé que l’Amazonie pourrait relâcher 200 gigatonnes (milliards de tonnes) de CO2 au cours des 30 prochaines années, ce qui équivaudrait aux émissions de totales de tous les pays au cours des 5 dernières années. Et ce sans compter les émissions de CO2 des forêts tempérées et boréales. Notons que la forêt canadienne n’est déjà plus un puits de carbone, c’est-à-dire qu’elle est émettrice de CO2.

– Qu’arrivera-t-il du méthane emprisonné dans le pergélisol? Ici aussi, le relâchement du méthane qui pourrait être libéré dans l’atmosphère pourrait être catastrophique.

– Qu’arrivera-t-il de la fonte de l’Antarctique et de l’augmentation du niveau des océans?

Tout est interconnecté dans la nature; ainsi chaque fois que nous traversons un seuil critique que ce soit au niveau du climat ou d’une autre composante de la biosphère, le risque que ceci ait des impacts majeurs sur d’autres composantes de la biosphère est immense. 

Le 28 février António Guterres a dénoncé l’« abdication criminelle » des dirigeants mondiaux dans la lutte contre le réchauffement. Cette non-volonté de respecter la cible de diminution de 40 à 45% de nos émissions de gaz à effet de serre qu’il a lui-même fixée, le gouvernement Trudeau pose, à nos yeux, un acte criminel tant à l’égard de l’humanité, et particulièrement contre les enfants et les générations futures. C’est aussi un écocide, c’est-à-dire  une orientation qui aura un impact majeur sur le système écologique de la Terre. Bref sur le futur de la vie sur notre planète. Notre gouvernement participe ainsi activement avec d’autres pays à endommager de façon permanente les conditions mêmes de la vie sur Terre.

Forcer ce gouvernement à adopter une loi l’obligeant à respecter sa cible climatique

Dans le contexte où le Canada n’a jamais atteint ses cibles de diminution des GES, nous croyons qu’il est urgent de faire un pas de plus que les manifestations et les pétitions qui sont nécessaires, mais insuffisantes. Rappelons qu’en 1990 Brian Mulroney fit la promesse, au sommet de Rio, que le Canada s’engageait à stabiliser pour 2000 les émissions de carbone à leur niveau de 1990.

Déjà 37 pays ont changé leurs lois pour donner à la Nature une personnalité juridique, comme les humains et les entreprises en ont déjà. En attendant que le Canada adopte une telle loi, que pouvons-nous faire?  Personnellement, je pense qu’il est possible, dans le contexte politique actuel, de faire adopter une loi forçant ce gouvernement à atteindre sa cible de diminution visée pour 2030. 

Nous devons tenter de faire adopter une loi qui obligera le gouvernement à diminuer chaque année les émissions de gaz à effet de serre de 7 %, et ce jusqu’en 2030. Dans un contexte où le parti libéral est minoritaire, si nous parvenons à convaincre le NPD, le Bloc Québécois et le Parti Vert à faire adopter une telle loi qui oblige tant le gouvernement à diminuer chaque année nos émissions de 7%, de même qu’à prendre des mesures additionnelles si la cible annuelle n’est pas atteinte, alors nous serions tous et toutes gagnants(es). Nous pourrions alors même nous adresser aux Tribunaux pour obliger le gouvernement à respecter cette loi. Et enfin, advenant l’élection d’un autre gouvernement, cette loi l’obligerait à agir.

Partagez :

facebook icontwitter iconfacebook icon