Contre l’entrepreneurship sauvage !

Date : 28 juin 2017
| Chroniqueur.es : Marie-France Lanoue
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Depuis déjà quelques semaines, au coin des rues Dunant et Thibault, ont lieu d’importants travaux. Ils ont commencé par raser le sous-bois qui y était, puis il ont dynamité. Les résidents se sont inquiétés. Plusieurs ont posé des questions mais personne n’avait obtenu de véritables explications jusqu’à tout récemment. En fait, le terrain serait en train d’être aménagé pour recevoir une station-service — qui serait la troisième à s’ancrer dans un rayon de 1,5 km ! Si les citoyens ont tardé à obtenir des réponses, la Ville de Sherbrooke, elle, devait pourtant en avoir quelques-unes et depuis un certain temps puisque le terrain qui est à l’origine de toute cette commotion a fait l’objet d’un échange, en Septembre 2016, entre Luc Elias (le promoteur qui possède le terrain) et la Ville de Sherbrooke. Mais il était alors question plutôt de construire des unités de logements et non une station-service. Serait-il possible que la Ville de Sherbrooke ait manqué à ses devoirs ?

Juste en face de ce fameux terrain qu’a cédé la Ville de Sherbrooke au promoteur Luc Elias, il y un accès magnifique à la montage du Mont Bellevue. Promeneurs occasionnels ou habitués, sportifs en tout genre, étudiants de l’Université de Sherbrooke, petites familles de la région ou d’ailleurs, fréquentent ce lieu. On y va pour la nature, pour les sentiers qui se perdent dans la montagne, pour la beauté et la tranquillité des lieux. On y va pour se rendre jusqu’à la croix lumineuse d’où on peut contempler, d’en haut, la ville, en bas… Par conséquent, on aurait pu comprendre la volonté de tirer profit de l’intersection Dunant/Thibault s’il avait été question de valorisation du territoire, par exemple. Mais il n’en est rien et les travaux avancent très (trop) rapidement. À qui cela profite-t-il ?

Il faut savoir que ce n’est pas la première fois que le promoteur, Luc Elias, se heurte à de la résistance citoyenne. En 2012, à Lennoxville, suffisamment de citoyens s’étaient mobilisés pour faire avorter un changement de zonage, réclamé par Luc Elias, qui aurait permis la construction de jumelés. En ce moment, le développement d’un nouveau quartier (appelé Carré Belvédère), au coin des rues Belvédère et Bel-Horizon, soulève aussi énormément d’indignation. L’enjeu ? Un patrimoine écologique précieux qui sera sacrifier, encore, sur l’autel de la logique mercantile. Dans tous les cas, les citoyens sont tenus à l’écart le plus longtemps possible et, à l’occasion du conseil municipal du 19 juin dernier, il semblerait que nous ayons été tenu suffisamment longtemps à l’écart pour que les élus puissent clamer, en toute quiétude, qu’il est maintenant « trop tard ». Mais nous ne sommes pas de cet avis.

Dans la Politique de consultation citoyenne, adoptée par le conseil municipal de la Ville de Sherbrooke, on peut lire que « toute politique, tout règlement, tout projet ou toute question peut être soumis à la consultation citoyenne si le conseil municipal, ou un conseil d’arrondissement, estime opportun ou nécessaire de le faire. » On y lit aussi que le « processus de consultation citoyenne doit être enclenché le plus tôt possible, de sorte que le dossier ou le projet concerné ne soit pas dans un état d’avancement tel que des modifications représentent des contraintes, des risques majeurs, ou occasionnent des coûts importants. » Pourtant, pas l’ombre d’une consultation citoyenne ne s’est manifestée alors que le projet allait pourtant avoir des répercussions importantes et ce, particulièrement pour les citoyens résidant à proximité du terrain faisant l’objet des travaux. C’est pourquoi au-delà des questions de zonage et de « droit acquis » invoqué pour faire taire les opposants au projet, il y a trois éléments majeurs dont la Ville aurait dû prendre la mesure et ce avec le plus grand sérieux :

  1. La dangerosité des travaux pour la santé et la sécurité des citoyens — rappelons que deux familles ont dû être évacuées de leur résidence en raison des émanations de monoxyde provoquées par le dynamitage et que 32 maisons ont été munies d’un (voire deux) détecteur(s) de monoxyde de carbone. On pourrait aussi ajouter les risques élevés de développer des problèmes de santé, particulièrement chez les jeunes enfants, liés aux émanations d’essence que produisent inévitablement les stations-service ;
  2. La menace potentielle (pour ne pas parler d’un véritable gâchis) que représente la construction d’un projet commercial du type station-service à proximité d’un milieu naturel comme le Mont Bellevue ;
  3. Le manque de transparence du maire Sévigny quant à l’échange de terrains qui a eu lieu ; et plus particulièrement, le manque de transparence du conseiller du district d’Ascot, Robert Pouliot, quant à ses liens avec le promoteur Luc Elias. Le conseiller a travaillé sur le Comité consultatif du nouveau plan d’urbanisme mais il possède également 5 terrains considérés actuellement comme « handicapés » dans le secteur Ascot de la rue André. Or, avec la nouvelle limite de développement prévu par la construction du Carré Belvédère et l’étalement urbain prévu à Ascot, cela permettra à Robert Pouliot de pouvoir exploiter ses terrains. En somme, si Robert Pouliot avait agit avec davantage d’intégrité et en conformité avec le code d’éthique et de déontologie des élus de la Ville de Sherbrooke, il se serait tenu à l’écart afin que l’intérêt collectif puisse être desservi adéquatement.

Rappelons, pour terminer, que les élus sont imputables devant leurs électeurs et qu’il en va du « devoir et [de] la responsabilité des élus de gouverner et de faire les choix politiques dans la poursuite de l’intérêt collectif. »

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