Fin au clivage social

Date : 6 novembre 2018
| Chroniqueur.es : Hubert Richard
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Sur le groupe Mouvement Sherbrooke Démocratie, sur Facebook, il m’arrive souvent d’être discrédité, juste parce je suis sur l’aide sociale. C’est toujours les deux ou trois mêmes personnes en réaction à mes idées. Comme si le fait que je ne sois pas un payeur d’impôt me disqualifie pour parler de notre trésor public.

Je ressens souvent ce sentiment en présence d’individus qui ne sont pas, à priori des bons amis. Même au sein de ma famille, ce sentiment de dénigrement involontaire est omniprésent dans les silences et les politesses à mon égard. Mais, je m’en fous un peu! Car, après tout, je peux pas faire grand-chose contre cela. Je l’ai essayé sur le groupe Mouvement Sherbrooke Démocratie. J’ai beau leur expliquer que malgré tout, par mon bénévolat je réussis à m’impliquer et à faire ma part pour la société: Je reste un B.S….

Je sais que l’ultime but de ce dénigrement est de faire en sorte de me pousser à me sortir de cette situation. Or, bien qu’il soit frustrant de manquer d’argent, cette situation me permet, pour l’instant, de faire ce que je veux, de choisir mes implications. Donc, cette situation me convient en quelque sorte. Ce n’est pas le cas pour tout le monde. Beaucoup de personnes sur l’aide sociale, je dirais une assez grande majorité, le sont par dépit, par défaut, parce que le marché de l’emploi leur a marché dessus. Essayez d’imaginer la honte et la tristesse d’être ainsi isolé du reste de la société comme un prisonnier qu’on garde en liberté en l’obligeant à se parader dans une combinaison pénitentiaire! Une chance qu’aujourd’hui, les chèques n’arrivent plus par la boîte aux lettres. Je me souviens des files à la banque le premier du mois. De lire ce mélange inextricable de honte et de joie sur le visage de ces personnes meurtries par leur pauvreté qui exhalent patiemment en ligne en attendant de toucher à leur argent. Sans oublier ceux et celles que des agents entêtés auront dépouillées de quelques dizaines de dollars, au nom de la justice et de la loi (car ils auraient eu des bénéfices, ou un héritage mal dépensé, un petit sideline temporaire) et qui se retrouve punis avec des coupures sur leur chèques. Oui, quand certains prétendent qu’on ne paie pas d’impôt sur le B.S., j’aurais le goût de leur répondre que toutes les coupures imposées: que ce soit la taxe de l’amour, cette fameuse façon de remercier deux B.S. d’être restés en couple plus d’un an ensemble en leur envoyant un chèque commun amputé de plus d’une centaine de dollar parce qu’ils partagent le même appartement; ou cette limite de 100$ ou 200$ maximum de revenus supplémentaires! En quelle manière ces revenus que l’État cherche à récupérer en encadrant de manière éhonté les balises de l’aide sociale, ne seraient pas perçus comme une forme d’impôt?

En fait, la redistribution de la richesse mal redistribuée, n’est-ce pas là une façon de détourner de l’argent des plus pauvres? Et quand un pauvre ose parler de gratuité du transport en commun, quel mal il y a à cela? Sinon celui de chercher plus de solidarité? Si la solidarité est bonne pour les employés de l’État qui cherchent à être plus équitablement traités, en faisant la grève, en cherchant la sympathie du public pour l’amélioration de leur conditions de travail, pourquoi n’est-elle pas bonne pour les B.S.? Eux qui se font couper sans même avoir atteint le seuil minimum de pauvreté, ou le seuil minimum avant de payer de l’impôt?

Imaginez qu’une personne sans revenus d’emploi ait droit à un revenu représentant un pourcentage du salaire minimum (75% par exemple). Et que ce montant soit inviolable! Imaginez tous ces agents d’aide socials qui, au lieu de faire la chasse aux B.S., deviendraient disponibles pour aider le monde. Que ce soit pour enquêter sur les invasions fiscales! Ou de l’aide à domicile! Une aide toute naturelle! De pouvoir compter sur quelqu’un pour nous aider à mettre de l’ordre dans notre vie ou dans notre appartement, ce serait tellement mieux qu’un agent qui cherche à nous couper! Mais, je ne suis qu’un B.S, me direz-vous? Tout ce que je dis doit forcément être porteur de malheur, de maladie, ou d’ineptie! Et si la création de la richesse n’était seulement un effort de groupe pour aider les riches à être plus riches, mais pour assurer le développement de nos programmes sociaux. Et si la richesse pouvait se créer en donnant aux pauvres le goût de se prendre en main! Il faudrait que cette société ait un sens, qu’elle soit moins en proie à ses paradoxes! Qu’elle soit d’abord clairement en démarche pour nous sortir de la crise climatique! Et si cette démarche ne pouvait être possible qu’en refusant ce clivage social envers les plus pauvres?

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