Garde du senti et care collectif

Date : 10 novembre 2022
| Chroniqueur.es : Kariane Pépin
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Peut-être connaissez-vous déjà le rôle des gardien-nes du senti. Dans nos assemblées générales, iels sont là pour les personnes qui vivent des inconforts ou des malaises. On peut aussi les retrouver dans nos réunions de comités, de groupes ou durant une manifestation. On pourrait même les retrouver systématiquement dans tous nos cours, dans toutes nos réunions d’équipe, bref, dans toutes les situations où nous nous retrouvons dans un groupe, qu’il soit petit ou large, ou en communauté. 

Pourquoi avons-nous besoin d’une garde du senti? 

Parce qu’un bon climat est un élément essentiel de notre vie sociale, relationnelle, communautaire et professionnelle, et qu’il peut s’envenimer rapidement. Parce qu’avoir une garde du senti est une pratique du care, où nous reconnaissons l’importance de prendre soin les un-es des autres et d’être à l’écoute du senti de l’autre. Parce que, si on s’en donne la peine, nous pouvons sentir chez l’autre qu’iel ne va pas bien… sauf si nous sommes trop concentrées sur une tâche. D’où l’importance d’avoir une personne qui a pour tâche exacte d’être centrée sur l’autre, sur les émotions qu’iel perçoit, sur la nécessité d’avoir l’espace pour les refléter ou pour les accueillir. Cela peut se faire par texto ou en personne, en prenant une pause et en se mettant à l’écart du groupe ou en interrompant carrément l’activité pour tout le monde, car cet espace de care aurait intérêt à être collectif, pour que tout le monde puisse en bénéficier. 

Il convient de mentionner que cette tâche de garde du senti incombe souvent aux femmes, traditionnellement plus enclines à participer aux activités de care. Or, elles ne devraient pas être les seules à développer des capacités d’attention, d’empathie et de solidarité.

Je vous encourage donc à élire une à plusieurs gardes du senti chaque jour, dans vos réunions, dans vos classes et dans vos espaces de travail. Si vous n’en voyez pas la nécessité, est-ce parce que le climat est toujours bon ou parce que vous n’avez pas les ressources nécessaires? Pourtant, une telle tâche peut prévenir le conflit, l’épuisement, le recours à la médiation, etc. Elle est non-productiviste et non-capitaliste parce qu’elle ne produit pas de biens destinés à un marché. Au contraire de proposer quelque chose de neuf, elle entretient des liens et en répare. Elle est donc tout sauf obsolète.

Il faut donc commencer par reconnaître le besoin de garder le senti dans nos groupes, puis, lui faire de la place. Un dédommagement est parfois offert à la garde du senti car, il faut l’admettre, cela fait partie des tâches visant à favoriser le bien-être individuel comme collectif qui, à l’image des soins donnés à la maison, constitue un travail, rémunéré ou non, car invisible ou pas.

Nous n’avons peut-être pas toustes choisi de travailler ensemble mais, dans notre société, nous avons choisi le vivre-ensemble et, en cela, nous avons une responsabilité et un engagement vis-à-vis les un-es les autres. Finalement, une garde du senti, c’est simplement l’une des composantes du bien-vivre ensemble, avec plus de doux et de bienveillance.

Inspirations:  

Apprivoiser l’écoanxiété et faire de ses écomotions un moteur de changement, unlivre de Karine St-Jean 

Le care éthique féministe actuelle, paru sous la direction de Sophie Bourgault et Julie Perreault 

Et le travail de care de Dalie Lauzon-Vallières 

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