Greta, cerveau et progressisme

Date : 25 août 2019
| Chroniqueur.es : Yannick Pivin
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Au départ, je voulais bâtir ma chronique sur le phénomène Greta Thunberg, puis au fur et à mesure que j’avançais dans la palabre et la lecture des innombrables tweets, commentaires et partages Facebook, articles de journaux, interviews vidéo/radio, et enquêtes à son sujet, je me suis dit, cette jeune femme est devenue un dé à jouer pour réseaux sociaux et média.

Range ton jeu de plateau, me voilà te conter la chose. 16 ans c’est la jeunesse, première face. Autiste Asperger, c’est la différence, deuxième face. C’est une femme, troisième face. Quatrième face, c’est une écolo. La cinquième, c’est le temps, et elle en a. Dernière face, la diversion, pendant que l’on parle de Greta, parlons-nous toujours d’environnement?

Et là, le grand jeu commence, chacun lance son dé magique Thunberg et, peu importe la face l’affrontement est ouvert avec du contenu plus ou moins intéressant et souvent sans conclusion réelle. L’instrumentalisation est là, faite pour tous et par tous. Peu importe ce qu’elle fait ou ne fait pas, on s’en sert pour nous jouer toutes sortes de symphonies plus ou moins douteuses ayant pour finalité directe ou indirecte de dévier le discours environnemental en de belles histoires de luttes ou en sales histoires de gamines détestables.

Pourquoi donc nous attardons-nous sur toute cette poutine autour d’elle?

C’est à cause de notre cerveau. Oui! Oui! Notre cerveau qui nous persuade que c’est un symbole, que tout cela est important, et ce, simplement à cause du style de la narration dont se délecte notre cerveau, il aime les histoires. Te voilà démasqué inconscient qui nous manipule sournoisement! Je passerais sur les différents biais cognitifs qui ne font malheureusement qu’ajouter une couche à ce qui va suivre.

Donc maintenant que tu sais que ta cervelle aime les petites histoires au coin du feu et qu’en plus tu t’es fait biaiser, tu vas mieux comprendre la politique. Certaines propositions intellectuelles bien élaborées sont plus séduisantes à notre cerveau que des propositions méthodiques.

Tout progressiste le sait bien, le progrès ne va pas s’imposer par lui-même. Ce n’est pas parce qu’une idée est fortement argumentée qu’elle va passer, certaines conditions sociales font obstacle à sa réalisation. Elles sont multiples comme le manque d’éducation, la suractivité professionnelle et personnelle, l’environnement social et familial et bien d’autres, car tout aujourd’hui est fait pour vous occuper l’esprit et le corps. La fenêtre de temps de cerveau disponible pour de la pensée est de plus en plus courte et notre bulbe rachidien le sait bien, il favorise donc la jouissance psychique, à la vérité. Oh! Oui! Oh! Oui! La petite histoire, la proposition intellectuelle qu’elle est bonne…

La pensée méthodique est une pensée long terme, chronophage et désenchantante. Accepter de suspendre son jugement, ne pas plonger dans les délices d’un certain nombre de narrations (jouissances psychiques), c’est aussi dépouiller le monde d’une certaine magie. Il est clair qu’un bon nombre d’individus ne pourra ou ne fera jamais cela et peu importe la raison.

Mais celles et ceux qui le peuvent, faites-le, individuellement ou en groupe et quand les fruits de ces réflexions seront mûrs vous pourrez conter de belles histoires aux cerveaux en veilles et peut être même écrire l’histoire d’une nouvelle civilisation.

Pour finir, que vous l’aimiez ou la détestiez, au moins cela foutra la paix à la petite Suédoise, car dans le fond, cette jeune femme n’est qu’une Gentille Représentante Ecologiste Très Active.

P.S. Il y a 27 ans, une canadienne de 12 ans intervenait au sommet de la Terre des Nations Unis à RIO. Son nom, Severn Cullis-Suzuki. Pour les plus jeunes qui ne la connaissent pas, je vous invite à écouter ou à lire son discours disponible sur Internet et à le mettre en perspective avec celui de Greta Thunberg.

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