Habiter un désert alimentaire

Date : 18 décembre 2012
| Chroniqueur.es : Christine Bureau
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Tous les déserts ne sont pas faits de cactus, dromadaires ou d’immenses dunes de sable. Caractérisés par un fort taux de pauvreté et une plus faible qualité de vie, les déserts alimentaires font partie de cette catégorie de déserts atypiques. Pour ceux qui les habitent, cela signifie qu’aucune source d’approvisionnement en aliments frais n’est disponible à moins de 500 mètres à pied, ou trois kilomètres en voiture. Sherbrooke possède-t-il l’un de ces déserts au cœur de la ville?

Pour le moment, impossible de répondre à cette question, selon l’agente de planification de programme et de recherche de la Direction de santé publique de l’Estrie, Marie-Josée Riel. « Aucune étude n’a encore été réalisée à Sherbrooke », affirme-t-elle. Et même si aucune n’est prévue pour bientôt, des problèmes d’accessibilité aux aliments frais guettent tout de même les habitants de certains quartiers.

Une question de transport

Pour Denise Métivier, atteinte d’ostéoporose, se procurer des aliments frais demande toute une planification. Habitant le coin Terrill et la 10ème avenue nord, la soixantenaire fait sa «commande» tous les 15 jours, et c’est sa femme de ménage qui la conduit soit à Moisson Estrie, soit au Bon samaritain sur la rue Montréal. Le reste du temps, lorsqu’elle manque de «beurre de peanut, de margarine ou de pain», elle peut se rendre elle-même jusqu’au dépanneur le plus près. Cela lui prend dix minutes avec sa canne. « Le dépanneur est proche, mais des fois, il n’y a pas ce qu’on veut », précise-t-elle. Sinon, elle peut aussi se rendre à l’épicerie des Galeries Quatre Saisons en appelant le transport adapté – 6,20 $ pour un aller-retour -, où là, précise-t-elle, elle surveille les spéciaux et n’achète que ce qui est réduit.

Pour la directrice du service d’entraide de Moisson Estrie, « l’une des plus grosses problématiques, c’est le transport. Il y en a qui vont prendre de très grandes marches, mais souvent, ils font appel à leur réseau pour avoir des lifts ». La directrice note que la plupart des absences aux rendez-vous sont dues aux problèmes de transport, et non pas parce qu’il n’y a pas de besoins.

Ce récent éveil devant le phénomène de déserts alimentaires interpelle les intervenants au fait qu’un problème d’accès aux aliments frais n’est pas qu’une affaire de petits sous. La proximité des sources d’approvisionnement y joue aussi pour beaucoup. Auparavant, c’étaient les paroisses qui s’occupaient d’aider les plus démunis à se nourrir, raconte Mme Brassard, et le problème d’accessibilité était alors peut-être moindre. Aujourd’hui, certains quartiers ont plus de besoins que d’autres, et la répartition de l’aide n’est pas toujours adaptée. La situation est d’autant plus préoccupante que dans ces secteurs désertiques, les habitants souffrent davantage d’obésité et de maladies chroniques.

Initiatives sherbrookoises?

À Montréal, pourtant, plusieurs initiatives ont déjà vu le jour afin de favoriser l’achat de fruits et légumes. En 2010, il était estimé que 40 % des habitants de la métropole vivaient dans un désert alimentaire, selon la Direction de santé publique de Montréal. À Rosemont, la Coalition sécurité alimentaire a trouvé une solution au problème de désert alimentaire qui avait envahi l’est du quartier : l’ouverture d’une fruiterie d’économie sociale. De plus, huit journées de marché ont permis à plusieurs habitants de l’est de Rosemont de se procurer fruits et légumes à proximité durant la saison estivale plutôt que de se contenter des conserves de l’épicerie et du dépanneur.

Même si la Direction de santé publique de l’Estrie n’a pas directement emboîté le pas après la révélation de ces statistiques par sa consœur de Montréal, l’enjeu de la sécurité alimentaire est bien présent dans le plan national de santé publique. En Estrie, 310 000 $ ont été alloués aux organismes communautaires de la région afin de contrer le problème de la sécurité alimentaire, en plus des sommes de base attribuées pour chacun de ces organismes. Mais il reste que plusieurs sont situés dans le même quartier.

Pour Mme Métivier, la question du transport n’est pas un obstacle insurmontable. « J’ai de la misère à me déplacer, mais je m’arrange bien», s’empresse-t-elle de préciser. Avec le temps des fêtes qui approche, elle espère être sélectionnée pour recevoir l’un des paniers de Noël distribué gratuitement par les organismes communautaires, afin de recevoir sa fille et ses cinq petits-enfants. Et comme à Noël le hasard fait bien les choses, c’est directement à la porte qu’on le lui livrerait !

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