Hypersexualisation, alcool et pression sociale, non merci! DEHORS LES ÉVÉNEMENTS SEXISTES!

Date : 28 avril 2016
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Cette lettre a été initialement publiée sur le blogue Sherbrooke Féministe et signée par plus de 100 personnes.

Le vendredi 15 avril dernier, le Boston Bar a accueilli l’événement «F*ck ton Ex!», qui célèbre cette année sa 10e édition. Et ce n’était pas la première fois qu’un tel événement s’y produisait. En effet, l’établissement avait accueilli à presque pareille date l’an dernier ce même événement, qui a été dénoncé maintes fois pour son caractère sexiste et son objectification des femmes. D’ailleurs, on pouvait lire sur la description de l’événement que celui-ci s’annonçait comme «une édition totalement bordélique», qu’il consistait en «une nuit réservée aux party animal» et que «toutes les limites [seraient] repoussées».

Est-ce que cela inclut la limite du consentement, déjà brouillée par l’encouragement à la consommation excessive d’alcool? En poussant les gens à consommer de l’alcool dans un but ultime d’avoir un ou plusieurs rapport(s) sexuel(s), cet événement banalise non seulement les agressions par intoxication, mais fait également preuve de sexisme en utilisant encore une fois les femmes comme des objets sexuels à consommer à outrance. Outre les multiples références à la pornographie et aux bordels de prostitution sur le site internet de «F*ck ton Ex!», la connotation sexuelle est aussi très claire dans leur affiche publicitaire, qui arbore l’image d’une femme à l’allure suggestive, portant une camisole avec l’inscription «Who’s next?» (Qui est le prochain?), avec les cheveux en bataille et du rouge à lèvres épais.

Par ailleurs, un des promoteurs de l’événement rapportait l’an dernier qu’aucun rapport sexuel non consenti n’était toléré et qu’aucun viol n’avait été rapporté. Considérant que toutes les statistiques démontrent que les femmes ne dénoncent que très rarement les agressions sexuelles ou les viols qu’elles ont vécus, comment le promoteur peut-il affirmer qu’il n’y a jamais eu de rapport non consensuel lors de ses événements? De plus, si le but est de favoriser les rencontres entre les individus, pourquoi inciter fortement les gens à avoir des rapports sexuels et pourquoi promouvoir uniquement les relations hétérosexuelles? En plus de participer activement à la culture du viol ambiante, cet événement exerce une pression supplémentaire sur les personnes désirant faire des rencontres sans nécessairement avoir de rapports sexuels.

Qu’entendons-nous par culture du viol? Le terme culture du viol fait référence aux mécanismes sociologiques menant une classe de la population à être plus vulnérable aux violences sexuelles. Puisque nous savons que 75% des agressions à caractère sexuel impliquent une intoxication à l’alcool, il est essentiel de se questionner sur la notion de consentement éclairé, qui semble totalement absente du discours de l’événement. Alors qu’une vaste campagne au sujet du consentement intitulée «Sans oui, c’est non!» est instaurée dans les milieux collégiaux et universitaires, les personnes de la même tranche d’âge sont bombardées de messages comme celui de l’événement dénoncé, allant complètement à l’opposé des comportements respectueux et égalitaires entre les femmes et les hommes.

Comme le soulignait le CALACS lors du même événement l’année dernière, un des problèmes majeurs de ce dernier est l’amalgame persistant entre une nouvelle rencontre et la relation sexuelle qui doit obligatoirement s’en suivre. Les violences envers les femmes ne sont pas seulement physiques ou psychologiques, comme on a tendance à nous faire croire. Ce sont aussi des agressions quotidiennes de diverses envergures, que ce soit dans le langage, dans les représentations publicitaires des femmes, dans la manière dont on questionne leurs choix de vie, leurs apparences, leurs revendications, leurs oppressions, etc. Ce sont aussi les violences économiques, obstétricales, structurelles et on en passe…

N’a-t-on pas une responsabilité citoyenne de refuser la tenue d’un tel événement dans notre ville? Et, plus largement, n’a-t-on pas une responsabilité collective face aux violences et aux agressions commises régulièrement envers les femmes? Il est inadmissible qu’un établissement (privé ou public) diffuse des messages sexistes ou violents, même sous le couvert d’un supposé deuxième degré. Il est également inadmissible de continuer à propager des stéréotypes sexistes, où les femmes sont considérées comme des objets sexuels et les hommes comme des consommateurs de cette sexualité. Il faut cesser de promouvoir l’hypersexualisation comme si les relations humaines ne se basaient que sur le sexe et il est impératif que tous et toutes, mais particulièrement les propriétaires de bars ou autres endroits servant de l’alcool, réalisent qu’un consentement ne peut être éclairé et réel lorsqu’une personne est intoxiquée. Tant que le patriarcat continuera de maintenir ses tentacules sur l’ensemble des sphères de la société, les rapports entre les femmes et les hommes ne pourront être réellement égalitaires et, par le fait même, ces mêmes rapports seront ceux d’une domination tantôt assumée, tantôt inconsciente.

L’égalité en 2016? Pas à Sherbrooke en tout cas!

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