Des idées de toponymes féminins pour Sherbrooke

Date : 26 septembre 2019
| Chroniqueur.es : Gabriel Martin
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Dans le Téléjournal Estrie du 6 mars 2015, un membre du comité de toponymie de Sherbrooke rappelait l’importance de choisir une toponymie qui reflète «qui nous sommes, qui nous voulons être et l’image que nous voulons donner».

Différents citoyens et citoyennes ont clairement répondu à ces questions. Leurs aspirations, martelées encore et encore depuis près de cinq ans, se résument à ceci: nous sommes une population diversifiée, nous voulons être équitables et nous désirons que notre ville arbore une toponymie qui met davantage les femmes à l’honneur.

Nous profitons du mois d’octobre pour rappeler l’histoire de deux femmes (Charlotte Trim, et Maggie Sirois) et de deux groupes (les panises et les sagefemmes) qui pourraient être mis de l’avant dans la toponymie sherbrookoise en raison de leur importance symbolique indéniable. Nous demandons au Comité de toponymie de Sherbrooke d’évaluer ces suggestions d’ici la fin du mandat courant, qui se termine en 2021. À notre sens, si Sherbrooke peut se permettre d’honorer le poète montréalais Nelligan ou le président américain Kennedy avec ses odonymes, rien ne justifie l’exclusion des noms qui suivent.

Les rubriques sont extraites du livre «Femmes et toponymie: de l’occultation à la parité».

Charlotte Trim (vers 1768-1823)

Née en Guinée, Charlotte Trim devient l’esclave d’une riche famille anglophone au début de l’adolescence. À l’hiver 1798, après une vingtaine d’années de service, d’abord dans les Caraïbes, puis à Montréal, elle décide de «déserter» le domicile de sa «propriétaire». Quelque temps après avoir été rattrapée par les forces de l’ordre, elle comparait devant un juge, qui décide de la libérer. La nouvelle se répand dans la population de Montréal et donne lieu à d’autres affranchissements. Grâce à l’audace trimienne, le glas de l’esclavagisme sonne symboliquement dans la ville aux cent clochers, en cette fin du 18e siècle, tant pour les personnes noires comme Charlotte que pour les panises.

Maggie Sirois (1865-1920)

Maggie Sirois (erronément nommée Marie-Louise) est probablement la première femme canadienne-française de force comparable à Louis Cyr, son contemporain bien connu. Déménagée en Nouvelle-Angleterre à l’adolescence, elle participe à des exhibitions aux États-Unis et au Canada à partir des années 1890. Au tournant du siècle, elle gagne en réputation et épate le public des principaux centres urbains de la province (Montréal, Québec, Sherbrooke, etc.) par ses démonstrations de force, qui lui valent la réputation de «femme la plus forte du monde». Elle était capable de soulever des centaines de kilos d’une main aussi bien que de retenir deux chevaux ou deux automobiles qui tiraient en direction inverse.

Les panises

De la Nouvelle-France jusqu’au début du 19e siècle, des centaines d’Amérindiens et d’Amérindiennes ont été esclavagisées par les francophones et les anglophones, qui les renommaient à la mode allochtone. À partir du 18ᵉ siècle, la documentation désigne ces esclaves sous le nom générique de «panis» pour les hommes et de «panises» (ou plus rarement «panisses») pour les femmes, un nom qui découle vraisemblablement de celui du peuple autochtone pawnee.

Les sagefemmes

À la fin du 19e siècle, l’expertise des sagefemmes (aussi écrit «sages-femmes» en orthographe traditionnelle) est remise en question par les médecins, qui relèguent progressivement ces spécialistes de l’accouchement au rôle d’assistantes. Un siècle plus tard, après des efforts menés pendant près de trois décennies, des groupes féministes parviennent à faire reconnaitre officiellement la profession de sagefemme dans le réseau de santé québécois. Depuis leur réintroduction officielle en 1999, les sagefemmes contribuent vraisemblablement à l’humanisation et à l’amélioration des soins obstétricaux; elles favoriseraient ainsi l’agentivation («empowerment») des femmes.

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