Je me Souviens – Junts pel Si

Date : 26 octobre 2015
| Chroniqueur.es : Sylvain Besombes
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Junts pel Si ! (« ensemble pour le oui ») : c’est le slogan qui a gagné le cœur des Catalans le 27 septembre dernier lors des élections régionales déguisées en référendum. La coalition regroupant les deux principaux partis souverainistes de la Catalogne a obtenu la majorité des sièges du parlement catalan. La première victoire politique de la Catalogne dans le début d’une guerre juridique espagnole. Avant toute chose, mettons nos pendules à l’heure sur cet enjeu souverainiste qui nous rappelle bien celui qui a réanimé l’esprit vaincu de la Nouvelle-France lors des référendums de 1980 et de 1995.

La Catalogne a perdu sa souveraineté en 1714, lorsqu’elle fut conquise par les troupes franco-espagnoles. Depuis ce jour, la Catalogne reste profondément éloignée de son pays espagnol. Outre une culture totalement différente, plus du tiers du pays parle usuellement le catalan au lieu de l’espagnol. Tout comme le Québec, la Catalogne est le portrait parfait du « petit village d’irréductibles Gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur » imaginé par René Goscinny.

En 2006, ce « petit village » a réussi à obtenir plus de reconnaissance et de liberté avec l’Estatut, accordé par le gouvernement central espagnol. Malheureusement, après une lourde campagne médiatique anti-souverainiste orchestrée par l’Espagne, le Tribunal constitutionnel espagnol révoque, en 2010, une grande partie de l’Estatut, condamnant la Catalogne à ne rester qu’un petit village d’irréductibles conquis. Cependant, la Catalogne résiste. Élu en 2010, le chef catalan Artur Mas promet de renégocier la liberté perdue de la Catalogne, négociations qui échoueront en 2012. En signe de protestation et d’union, 1,6 million de Catalans forment, main dans la main, une chaîne humaine dans les rues de Barcelone lors de la fête nationale catalane. Avec Artur Mas de nouveau réélu en 2012, le référendum catalan cogne à la porte de l’Espagne.

Néanmoins, l’Espagne n’ouvrira jamais la porte au référendum. Se cachant derrière une décision du Tribunal constitutionnel espagnol et sous le principe d’unité nationale, l’Espagne interdit la tenue d’un référendum. Au Canada, on appelle Renvoi sur la sécession cet évènement où on apprend qu’un référendum n’a aucune valeur juridique, mais ne sert qu’à ouvrir la voie aux négociations avec le pays qui, vous l’imaginez, ne sera jamais ouvert à enlever les chaînes d’une province. En bref, dans notre démocratie actuelle, un peuple pourra rêver à sa souveraineté mais ne pourra jamais juridiquement l’acquérir.

C’est la leçon qu’en tire M. Mas. Après consultation populaire, 81 % des Catalans appuient le projet d’indépendance. Le vent dans les voiles, Artur Mas déclenchera des élections régionales dans le but de faire indirectement ce qu’on lui refuse de faire directement : demander aux Catalans de lui donner le mandat clair d’aller chercher l’indépendance. C’est ce qu’il a obtenu ce 27 septembre dernier.

Qu’en dit l’Espagne? Le chef du gouvernement espagnol répond qu’il est prêt à discuter avec les Catalans « dans le cadre de la loi », lequel cadre juridique ne porte pas les desseins de la démocratie catalane. À vrai dire, la loi espagnole encadre une chose, et il s’agit de l’expulsion d’Artur Mas du Parlement catalan. En plus de planifier une réforme judiciaire permettant au Tribunal constitutionnel de suspendre M. Mas s’il ose prononcer une déclaration d’indépendance, le gouvernement espagnol a entrepris des procédures judiciaires pour outrage au tribunal contre le chef catalan au motif d’avoir organisé une consultation populaire. Le droit devient l’outil pour contrer la démocratie, pour contrer la voix d’un peuple.

Il devient effrayant de constater comment il est impossible pour un peuple de réclamer sa souveraineté sans un combat juridique perdu d’avance. En Espagne, la constitution interdit la tenue d’un référendum sans l’accord du pays. Au Canada, la constitution empêche une province de se libérer unilatéralement du pays, le Renvoi sur la sécession enlève toute valeur juridique à un référendum et la Loi sur la clarté référendaire crée une définition inatteignable de la majorité.

Lors du débat des chefs ayant eu lieu sur les ondes de RDI le 24 septembre dernier, le chef du Parti conservateur du Canada disait à M. Duceppe que la souveraineté était un « débat passé date ». Or, les Catalans, tout comme les Québécois, se souviennent et ne laissent pas tomber leur rêve d’indépendance.

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