La chose (Monogame en série, épisode 6)

Date : 4 novembre 2014
| Chroniqueur.es : Evelyne Papillon
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Peut-on être en couple avec quelqu’un si le sexe ne fonctionne pas ? Vous savez cette compréhension intuitive de ce que l’autre apprécie à mesure que l’on tâte le terrain. Cette façon un peu animale et illogique de célébrer l’amour.

Bien sûr, il est normal de commettre quelques cafouillages. La communication verbale et non verbale aide à s’orienter dans les mystères du plaisir de l’autre. De plus, il y a des secrets qui ne se révéleront qu’au fil du temps dans un climat de confiance. Mais qu’en est-il lorsque tout va de travers ? Peut-on réellement redresser la situation ?

J’avais regardé un reportage sur les asexuels et appris que des gens vivaient heureux sans faire l’amour à quiconque, la chose leur étant tout simplement sans intérêt. Ce ne serait pas une maladie, mais bien une orientation sexuelle à part entière, encore méconnue. Je considère la sexualité comme la cerise sur le sundae de la vie amoureuse. Le temps passé ensemble, les discussions, les repas partagés, les sorties, les blagues, c’est d’abord cela, le couple. Mais quand même, on en veut toujours plus…

J’avais rencontré Joseph chez une amie commune. Nous n’arrêtions pas de parler. Je le trouvais fascinant, cultivé et pas laid. Mon amie m’avait filé son numéro de téléphone à la fin de la soirée et elle en avait fait de même avec lui. Le lendemain, il m’invitait à souper.

Pendant que nous mangions, j’avais beau admirer son érudition, je trouvais qu’il parlait un peu tout seul. J’ai mis cela sur le compte de la nervosité. Puis j’ai eu la fâcheuse impression que ma cuisse collait sur la chaise. « Je vais vérifier quelque chose dans la salle de bain, ne regarde pas s.t.p. », l’implorais-je. Dans le miroir, j’ai aperçu que mon vieux jean avait fendu au niveau de la fesse. En retournant à la cuisine, j’étais rouge tomate. « Désolée, je n’avais pas prévu en dévoiler autant. », dis-je. Ce à quoi il répliqua : « Dommage. » La balle était dans mon camp.

Nous avons continué à rire et à parler jusqu’à ce que je lui avoue avoir manqué le dernier autobus. Ce n’était presque pas prévu… Il me dit que je pouvais dormir chez lui sans problème et m’attira dans sa chambre. Nos lunettes, nos nez, nos dents, tout s’entrechoquait. Prends ton temps, que je me répétais. Mais la suite ne fut pas meilleure. Arrivé au moment où il me retira ma culotte, il commit le sacrilège de dire : « Hmm, il va falloir arranger ça. » Que je ne sois pas épilée semblait être une affaire d’État. Je suis restée muette de surprise. Il me semble que c’est un choix personnel et non quelque chose que l’on peut exiger de quelqu’un.

Pendant qu’il me caressait, il me dit que j’étais belle, mais qu’il se demandait si je mangeais assez. Il me trouvait maigre et poilue si je comprenais bien… En arrivant à mes seins, il me dit : « Tu sais, la grosseur, ce n’est pas important. Je regarde la personne dans son ensemble. Sans vouloir t’offenser, celle qui a les plus beaux seins à mon avis, c’est ma copine Kathy. » Pardon ? Je joue les filles cool : « Je me doute bien que je n’ai pas les plus beaux seins du monde, ça va. » Mais au fond, je le trouve déplacé. Voudrait-il la liste des gars qui embrassent mieux que lui ?

Nous avons une baise très moyenne. Je n’arrive pas à être à fond dans le moment. Ses commentaires idiots font la ronde dans ma tête. Est-ce moi qui suis trop susceptible ? De plus, il est constamment en train de me dire quoi faire et comment le faire, de quoi miner le reste de confiance en moi. Mais le coup de foudre avait été si fort que j’ai besoin de le revoir pour être sûre de comment je me sens avec lui. Le vendredi suivant, les hormones dans le tapis après des avances sur Internet, je pars le rejoindre.

Lorsqu’un homme éjacule vite, je le prends comme un compliment. Je dois être très excitante pour lui, voilà tout. Mais dans le cas contraire, je panique. Avec Joseph, j’ai déclaré forfait avant de développer une tendinite. J’ai eu encore l’impression de ne pas faire l’affaire. Si j’arrêtais de me demander si j’étais assez bonne pour lui et que je me demandais si lui était assez bon pour moi ? Avec lui, je me sentais nerveuse, dévaluée et maladroite. Comme on disait dans Passe-Partout : « C’est pas ce que je cherche. »

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