LES CHAMBRES ROUGES (1/2)

Date : 10 août 2023
| Chroniqueur.es : Souley Keïta
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L’un des films québécois les plus attendus sort dès ce vendredi 11 août à La Maison du Cinéma. D’ailleurs, retrouvez dès la semaine prochaine les entrevues avec le réalisateur et scénariste Pascal Plante, la productrice Dominique Dussault ainsi que l’actrice Juliette Gariépy pour plonger dans l’univers de thriller psychologique.

Une critique sans trop divulgâcher.

D’une chambre bleue intime à ces intenses chambres rouges.

Il y a maintenant 3 ans, que Nadia avait nagé l’Atlantique pour rejoindre la sélection officielle de Cannes. 3 ans où nous avons appris à détacher le sportif de l’être humain à travers les longueurs de natation qui nous rapprochait de la ligne d’arrivée. Ligne d’arrivée qui avait vu l’être humain, ses envies, ses tourments supplanter le sportif qu’est et a été Nadia Butterfly.

Le bleu éphémère d’une carrière de nageuse professionnelle a laissé la place au persistant rouge qui couvre les murs de cette chambre… et de nos esprits. 

Le bleu c’est aussi cette couleur qui imprègne la chambre extérieure de Kelly-Anne qui se réveille à peine et que l’on suit, par la suite, jusqu’au palais de justice pour apprendre un peu plus sur ces chambres rouges, mais également sur Ludovic Chevalier (que je vous invite à faire votre propre cheminement) qui est jugé lors d’un procès qui émet tout le Québec. Le procès démarre!

Nous plongeons dès les premières minutes du 3e long-métrage de Pascal Plante, après Les faux tatouages (2017) et donc Nadia Butterfly (2020), dans l’obscurité du palais de justice. Obscurité, car on s’entend que nous allons découvrir, au fur et à mesure des jours du procès, des indices, des preuves qui viennent appuyer ou déconstruire les accusations.

La construction d’un procès, comme d’un film, se joue sur la minutie, sur des détails que l’on doit saisir au plus vite pour ne pas avoir une vision erronée sur notre accusé ou nos personnages. Le réalisateur l’a bien compris, sans preuve, nous ne pouvons être juges et bourreaux, on se doit en tant que spectateur de s’investir dans ce genre cinématographique. Un investissement dans des premières minutes intenses que l’on vit en plan-séquence. Intenses, car à tour de rôle la caméra virevolte dans le palais de justice et nous place, non plus en tant que simple spectateur, mais en tant qu’acteur de ce procès par le biais de la procureure de la couronne, de l’avocat de la défense ou du jury pour déterminer la culpabilité ou non de cet homme dans cette cage en verre. Nous sommes pris à partie et nous allons devoir nous impliquer, d’ailleurs, une phrase qui s’adresse à nous résonne si bien : « Je m’excuse de vous infliger cela! »

L’atmosphère est étouffante, les cadrages sont serrés, comme à l’image des vidéos dans le film Caché (2005) de Michael Haneke. L’ambiance, où les (très) nombreuses questions fusent, est digne de Snake Eyes de Brian de Palma, finalement on ne doit se fier qu’à soi-même.

À ces souffles retenus… 

Le film dévoile surtout une facette, unique, dont on ne parle pas souvent dans ces procès et qui retient une première respiration : les groupies des gens accusés de plusieurs crimes. Sur ce cas de figure, on a deux visages qui se confrontent entre Kelly-Anne, détachée et obsessionnelle, qui observe beaucoup les situations sans émotion et Clémentine, plus frondeuse et sensible, qui déconstruit, souvent sans preuve, toutes les preuves apportées lors du procès. La deuxième respiration retenue est notamment sur ces deux personnalités qui font froid dans le dos, car on se demande souvent jusqu’où cela peut aller et surtout ce qu’elles pensent, deux personnages interprétés magistralement par Juliette Gariépy et Laurie Babin. Le thriller psychologique de Pascal Plante, outre les personnages, ce sont de nombreuses respirations retenues par le travail sonore, avec des bruits qui vous glacent le sang. Je n’avais pas eu aussi peur depuis Berberian Sound Studio (2012) de Peter Strickland, car parfois notre imaginaire accompagné du son est pire qu’un visuel. Un souffle retenu par le biais de la musique Dominique Plante, qui prend aux tripes.

Le thriller psychologique est une mine d’or du personnage dans lequel il faut vite trier les informations importantes ou justes par peur de finir à bout de souffle. J’ai eu beaucoup de mal à creuser pour voir la moindre faille chez Ludovic Chevalier ou Kelly-Anne, BRAVO!

Bravo également au réalisateur, car je vais prendre un deuxième, voir un troisième visionnement pour être à bout de souffle malgré la dureté du propos.

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